C’est un grand jour, ou un jour noir, selon la vision qu’on porte à l’Europe. Les représentants de la nation française s’apprêtent à ratifier le Traité pour la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance (TSCG). Rédigé par Angela Merkel, ce texte emblématique du monde de la finance, est le dernier bijou devant enfin et à coup sûr sauver l’Europe de ses maladies structurelles.
Qui l’eût cru, l’Europe est malade. Pourtant notre président d’avant avait bien juré craché cent fois l’avoir guéri définitivement. Mais au-delà de ces gesticulations théatrales, la succession des traités montre que la construction de l’Europe a pris un virage majeur. Depuis l’acte fondateur en 1957 (Traité de Rome) consacrant un engagement dans une union forte, cet ensemble dérive dangereusement jusqu’à se faire menaçant pour les peuples.
Le premier gros coup vient de l’Acte Unique en 1986. Sous la poussée de l’Angletterre tatchérienne, on promeut la libre circulation des biens et services, et on cherche à supprimer tout interventionnisme des états, sauf en faveur du marché. S’en suivent une série d’autres (traité de Maastricht, traité d’Amsterdam, pacte de stabilité et de croissance, traité de Nice) qui posent petit à petit les bases d’un pouvoir néolibéral au dessus des Etats. Ils font les beaux jours des financiers et spéculateurs avenc notamment une nouvelle monnaie qui ne dispose d’aucuns des outils de régulation normalement à sa disposition pour se défendre face aux autres devises. Les fortunes se sont amplifiées pendant qu’on faisait déjà payer la note à la masse laborieuse.
Ainsi, tout est désormais en place. Pour stimuler l’emploi, la compétitivité et renforcer la stabilité financière, on en arrive à des remises en causes des plus importantes engendrant une précarité généralisée, menaçant tous les systèmes de protection et de solidarités, conduisant par exemple à considérer qu’un contrat de travail en CDI est un frein à la flexibilité… TINA (There is no alternative)…
On est très loin de l’Europe des peuples, par et pour les peuples. Le TSCG, que la gauche a dénoncé avant d’arriver aux affaires, sera ratifié en l’état, alors que le candidat Hollande avait promis de le renégocier. Par le fait, il valide cette austérité perpétuelle rendue necéssaire pour les besoins des financiers, cette tutelle continue sur les Etats avec les coups de matraques pour ceux qui oseraient crier leur désacord dans la rue. Ce n’est ni plus ni moins que l’alignement total et entier sur l’idéologie néolibérale pronée par Milton Friedman et Friedrich Von Hayek.
J’avais alerté les députés de mon département il y a peu sur les dangers du TSCG. Seul Jean-Louis Touraine, député PS de la 3ème circonscription du Rhône a pris soin de me répondre, ce qui ne m’étonne pas de sa part. Je l’en remercie, même si je ne partage pas ses arguments, notamment quand il explique que «l’adoption de ce traité fait partie d’un ensemble, d’un compromis nécessaire pour le rééquilibrage de la construction européenne vers des politiques de relance keynésiennes». Je n’y crois pas un seul instant, Keynes et Hayek n’ayant pas vraiment d’atomes crochus…. Je redoute beaucoup ce que je considère comme une volte-face dans le message politique délivré parce que les français, en mai dernier, n’ont pas changé les hommes pour poursuivre cette politique de soumission aux marchés et de promotion du libéralisme exacerbé.
La Grèce, l’Espagne et l’Italie montrent à l’évidence que l’austérité ne résoud en rien les problèmes au contraire. J’aurais apprecié que le nouveau pouvoir, dit de gauche, brise le cercle vicieux dans lequel il s’enferme tout seul, et qui risque fort de le broyer à son tour.