VISION – 2006
La perfection est bien de ce monde
Elle se cache à ce qu’il paraît mais ouvrez l’œil intérieur
Ouvrez-le bien
*
Regardez le jeune Africain qui passe sur le trottoir d’en face
Qui passe passe devant les échoppes débordant de fruits juteux
Les vitres merveilleuses de transparence
Les murs de brique qui soutiennent des étages de vies quotidiennes
Regardez le grain de sa peau regardez sa démarche
Le ballet de ses pas
*
Approchez-vous et observez dans ses yeux les pensées qui s’agitent
Une multitude de petites feuilles vertes et rouges vibrant au vent de l’esprit
Et on peut même aller plus loin jusqu’au souvenir de la grand-mère
Au souvenir du dernier repas le jour de sa mort et de son sourire au moment
De rendre le dernier souffle sur le lit de bois ciselé
Jusqu’au souvenir de l’amour qui est encore l’amour
*
Regardez comme il se détourne vers cette jeune fille du quartier
Qu’on croirait timide sous son foulard de soie bien ajusté
Elle vous rappelle Mona Lisa sur fond de murs tagués
En mieux
Ses poignets sont des brindilles ses joues de lait
C’est juste une fille et un gars du quartier
Mais réchauffée par le regard la timidité devient invitation
L’invitation plaisir et le plaisir
Partage
*
Passez et volez à travers les rues de la grande ville
Croisez le chien sans son maître les rails brillants du tramway
Les discours de l’épicier et du coiffeur d’à côté
Prenez de la hauteur un instant
Elevez-vous
D’en haut la perspective n’est pas très différente
Les buildings les rues les vies en mouvement perpétuel
Un organisme
Tout comme l’une des cellules sur la peau fraîche du jeune homme
C’est juste un changement d’échelle
*
Revenez quelques temps plus tard
C’est l’été à présent
Les arbres regorgent de feuilles regorgent de vert un vert presque noir
Les oiseaux palabrent à contre-jour
Notre couple est attablé à une petite terrasse
Pas loin du coiffeur et de l’épicier
Casquette vissée il tient son portable à la main et de l’autre la main de la fille
La fille devenue femme
Des avions dessinent des sillages de vapeur au dessus de leur tête
Des étoiles filent dans ses yeux
Elle se tait
Il caresse la rondeur naissante de son ventre
*
Et vous qui osiez me dire que la perfection n’est pas de ce monde
Arnaud Delcorte.