Ces dernière semaines, j'ai vu au cinéma deux comédies romantiques made in France. La première : Un Bonheur n'arrive jamais seul avec Gad Elmaleh et Sophie Marceau. La deuxième : Paris-Manhattan avec Alice Taglioni et Patrick Bruel. Avec les succès il y a deux ans de films comme L'Arnaqueur ou La Chance de Ma Vie, le genre est devenu très populaire ces derniers temps chez les producteurs de notre chère patrie. Je vais passer sur ce que je pense des films précédemment cités. Ce n'est pas le sujet. Je peux vous proposer toutefois d'aller faire un tour sur ce Top 10 des meilleurs romcom françaises des années 2000.
Le sujet ici, c'est un point commun qu'ont ces deux comédies romantiques estivales. C'est un truc qui n'a cessé de m'obséder, à la fois devant les bandes-annonces et devant les films eux-mêmes. Le sujet, c'est la Catégorie Socio-Professionnelle des amoureux. Que ce soit Gad Elmaleh et Sophie Marceau, Alice Taglioni et Patrick Bruel, tous sont des Parisiens aisés voire très très aisés. Ils habitent dans le 16e, le 4e, le 8e, sont propriétaires d'appartements somptueux, roulent en cabriolet vintage et ont des métiers qui, bien évidemment, leur permet ce train de vie... confortable. Les héros de comédies romantiques, en France, ces derniers temps sont chef d'entreprise, pharmacien, musicien de pub (être un vendu au grand capital, ça rapporte plus) ou carrément (ex)femme de milliardaire.
Tout est alors prétexte à montrer des héros un peu insouciants, qui font leur jogging dans le bois de Boulogne, qui vont chez le boucher acheter leur viande pour la semaine, fréquenter des vernissages d'art contemporain, faire des brunchs entre amis et autres activités que la facilité m'amènerait à qualifier de "bobo".
Quand je regarde ces films, je ne me reconnais pas. Je ne reconnais pas grand monde de mon entourage. Et, à priori, je ne pense pas que beaucoup des spectateurs qui auront été voir ces films au cinéma cet été s'y reconnaissent non plus. Même dans un des cinémas les plus "bobo" de France, le profil de mes co-spectateurs ne semblait pas vraiment correspondre au profil des gens sur l'écran.
Mais c'est pour faire rêver. Ah oui, c'est vrai que le cinéma doit vendre du rêve. Vraiment ? En 2012 ? L'année où la télé américaine sort Girls. L'année où le cinéma américain sort 5-Year Engagement. Le rêve, au cinéma, c'est tellement 1936. Ca fait un bon moment que le cinéma américain a compris que la comédie romantique n'est pas un truc de riches. Elle ne peut pas l'être.
Qu'est-ce qu'une bonne comédie romantique ? Super simple. Elle doit être drôle. C'est la base. Et elle doit être romantique, dans le sens où elle doit faire passer le sentiment amoureux. On doit pouvoir croire que les deux héros sont faits l'un pour l'autre. On doit surtout pouvoir croire que cela peut nous arriver à nous aussi, que l'Amour est au coin de la rue. Plus que dans n'importe quel genre au cinéma, la comédie romantique doit pouvoir permettre l'identification. C'est ESSENTIEL. Sans ça, c'est forcément raté.
Et je ne m'identifie pas à Gad Elmaleh qui partouse dans son loft de Montmartre après une virée en cabriolet vintage sur les Champs-Elysées. Je ne m'identifie pas à Alice Taglioni qui hérite de la Pharmacie familiale du Marais, à Sophie Marceau qui vit à grand frais avec les sous de son ex-mari milliardaire ou à Patrick Bruel qui signe des contrats juteux avec le Plaza Athénée. Je ne m'identifie pas. Je ne rêve pas. Les histoires d'amour des riches et des puissants, ça ne m'intéresse pas. Ils ont déjà tout. Leur offrir en plus une histoire d'amour en cinémascope : non merci.
Au contraire, les gens pauvres, et plus généralement les gens "normaux", font des amoureux bien plus intéressants. Car ils ont tout à gagner dans l'Amour. C'est Jerry Maguire qui tombe amoureux d'une secrétaire après avoir perdu job, petite-amie et clients. C'est un modeste employé de bureau qui tombe amoureux d'une prostituée dans The Apartment. C'est un policier de New York qui tombe amoureux d'une serveuse dans Milliardaire malgré lui.
Bien sûr, c'est un simple procédé scénaristique. Mais c'est un procédé efficace. Un procédé qui permet au public, ces gens "normaux", de rêver, de se dire que l'Amour est réel car il naît dans l'adversité, dans les pires situations. C'est la fleur qui éclôt au milieu du bitume et du béton.
Et c'est encore plus vrai en 2012. Quand le monde découvre que ces jeunes gens roulant en Porsche dans les rues de Paris ou de New York sont juste des enculés qui ont ruiné le monde, il me semble qu'il n'y ait rien de plus agréable que de retrouver des gens, des "vrais gens" capable d'offrir de l'amour parce qu'ils ne peuvent pas offrir autre chose. Retrouver la "normalité" des gens qui vont chez Ikea comme Tom et Summer (500 days of summer) ou des gens qui galèrent à trouver le lieu idéal pour s'installer comme Burt et Verona (Away We Go), des gens qui arpentent la ville dans un van pourri juste pour aller à un concert de rock comme Nick et Norah...
Il n'y a pas de message politique ou idéologique là-dedans. Je ne veux parler que de sentiments. Uniquement. Mais l'étalage de signes extérieurs de richesses dans les comédies romantiques, comme le cinéma français les envisage en ce moment, me semble d'un autre temps.
Même l'actu people ne va pas dans ce sens. Vous avez d'un côté les Brangelina ou les KimYe qui dégagent une certaine forme de glamour grâce à un étalage (presque indécent parfois) de richesses, mais n'inspire rien, excepté des vannes et des moqueries. Des couples de tabloid qui font vendre du papier pour vendre leur soupe. D'un autre côté, vous avez des couples comme Andrew Garfield et Emma Stone, Jason Segel et Michelle Williams. Aussi des couples de tabloid mais qui vendent du sentiment. Dans cette photo de paparazzi, il y a quoi d'autres, à part de la normalité, du sentiment et de l'Amour ? Et dans ce tweet de Jason Segel au moment de son premier date avec Michelle Williams ? Voilà une autre forme de célébrités, de celles qui vivent (ou, du moins, semblent vivre) dans la réalité du monde, dans sa normalité. Et c'est à la fois très mignon et très beau.
La comédie romantique, en 2012, peu importe sa nationalité, devrait pouvoir refléter cela. Malheureusement, ce n'est pas le cas en France. Ça l'a été quelque fois (Augustin Roi du Kung-Fu en 1999, Ma Vie en l'air en 2005 en sont de bons exemples) mais ce temps semble s'être évanoui dans les vapeurs d'un cigare...
Alors peut-être qu'en donnant leur chance à des réalisateurs et scénaristes qui n'ont pas eux-mêmes des appartements somptueux, qui n'ont pas de cabriolet vintage, qui ne vont pas bruncher tous les week-ends...Peut-être qu'en donnant leur chance à des réalisateurs et scénaristes qui prennent les transports en commun, achètent leur meubles chez Ikéa et qui se démerdent comme ils peuvent avec ce qu'ils ont....Peut-être qu'en faisant comme ces producteurs qui ont su donner leur chance à une stripteaseuse sur la foi d'un blog ou un employé de vidéo-club sur la foi d'une passion plus vivace que les autres...
Peut-être qu'ainsi la romcom "à la française" arrêtera de paraître aussi sclérosée...
(Ceci était un message - un peu - personnel - mais pas que. Que ce soit les miennes ou celles des autres, je voudrais juste voir des comédies romantiques de mon temps, pas d'un temps imaginaire coincé entre 1936 et 1955)