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J'ai tout lu. Vous avez tout lu sur l'affaire Kstew/RPatz, la séparation haute en couleur de Kristen Stewart et Robert Pattinson, le deux jeunes star de la saga Twilight. Depuis le premier volet sorti en 2008, Robsten est le sujet d'intenses conversations dans les cours de collèges, de lycées - et bien évidemment autour des machines à café. Les deux n'avaient jamais "déclaré" publiquement qu'ils étaient ensemble mais la presse people s'était chargée de le faire pour eux. Tout comme elle l'a fait pour leur rupture.
Depuis deux semaines, c'est donc la folie. Les faits : Kristen Stewart se fait choper par un paparazzi avec son réalisateur de Blanche Neige Et Le Chasseur; les photos ne sont pas ultra compromettantes (un peu de pelotage très soft) mais suffisantes pour forcer KStew à publier le jour même un communiqué de presse où elles s'excusent et fait son mea-culpa; Ruper Sanders a le double de son âge et surtout, c'est un homme marié avec deux enfants; KStew est coupable; la femme trompée ferme son compte Twitter qui, un mois auparavant, était plein de tweets exhibant bonheur et béatitude avec sa petite famille parfaite; Charlize Theron, à la fois amie de la trompée et de la trompeuse, réprimande la deuxième; Tout le monde donne son avis et tente de trouver une explication; Certains blâment Pattinson (et son amitié avec Emilie De Ravin); D'autres (la plupart) s'en prennent à Stewart. Et ce qui arriva arriva : RPatz quitte le domicile et la guerre pour la garde du chien est ouverte.
Bref, largement de quoi alimenter les unes des tabloïds en couvertures racoleuses pendant tout l'été.
Le feuilleton trouve même un nom : ce sera le Trampire. (Pour les non-anglophiles, Tramp = Une femme qui vole les hommes des autres et plus généralement une salope). Opprobre sur Kristen. Briseuse de mariage et briseuse de rêves romantiques de millions d'adolescentes. Le monde entier s'en donne à coeur joie. La jeune actrice de 23 ans est devenue une pestiférée dont on se moque. Même Will Ferrell exprime sa rage et son désespoir. Il faut remonter au sein de Janet Jackson en direct live du Super Bowl pour retrouver un tel avilissement médiatique. Et la carrière de Janet ne s'en est jamais vraiment remise.
Mais le pire dans tout ça : KStew pourrait avoir rompu le charme Twilight. Car la relation des deux ex-amoureux n'a pas servi qu'à vendre du papier glacé bas-de-gamme. Elle a aussi (et surtout) servi à vendre des tickets de cinéma. Ce n'est plus un mystère : ils se sont rencontrés sur le plateau de la saga vampirique mormone (RPatz a dit qu'il avait accepté le rôle uniquement parce qu'il avait le béguin pour sa future partenaire qui, à l'époque sortait avec Michael Anganaro. Déjà.). C'est impossible à quantifier en nombre de billets verts récoltés mais il est indéniable que leur relation IRL a en grande partie jouée sur le succès commercial du film. Amoureux à l'écran. Amoureux dans la vie. L'identification du public ado est maximale, d'autant que le film se décline en quatre épisodes sur quatre ans. Et évidemment, les attachés de presse ne se sont pas gênés pour surfer sur cette relation.
Dans l'intimité de leur chambre, le coeur des adolescents (mais pas que) est en effet souvent persuadé que les acteurs sont les personnages qu'ils incarnent (les plus grandes stars de ce monde le sont parce qu'elles ont compris cela, de la sexuelle Marilyn au cool Will Smith en passant par le politisé George Clooney). Ça fait partie de la mystique de la star, de la légende artificiellement créée par Hollywood pour vendre des billets de cinéma. Kirsten Stewart EST Bella Swan. Robert Pattinson EST Edward Cullen. Twilight n'est pas qu'un film. C'est la réalité. En tous les cas, une forme de réalité. Une réalité parallèle qui n'existe que dans le coeur de millions d'adolescents.
KStew a donc commis le pire des pêchés mortels. Elle a brisé des millions de petits coeurs fragiles qui voulaient croire dur comme fer à l'amour éternel. La preuve.
Comment perdre des millions de fans et foutre sa carrière aux toilettes en quelques heures. Leçon 1.
Et c'est sans compter sur des coeurs beaucoup moins fragiles. Ceux des attachés de presse, producteurs, patrons de studios. Eux vont désormais bien en chier pour arriver à vendre à ces coeurs fragiles l'apothéose visuelle de l'amour éternelle entre Bella et Edward qui doit sortir en novembre prochain dans le monde entier. Terminé. Le charme Twilight est rompu. Kristen Stewart n'est plus Bella Swan.
Mais est-ce vraiment une si mauvaise chose pour l'actrice ?
Kristen Stewart n'a jamais fait grand chose pour qu'on l'aime. Ses apparitions médiatiques sont souvent froides, désincarnées. Timidité. Volonté de garder sa vie intérieure la plus privée possible. Difficile à dire. Mais quoi que ce soit, ces silences l'ont toujours faite passer pour arrogante. Elle n'a jamais voulu jouer le rôle de la célébrité et, dans le monde légué par Paris Hilton, cela passe mal. Too Cool For The Room. Ces dernières années, KStew ressemblait à un musicien de post-rock expérimental de Brooklyn forcé de participer à une tournée de reprises de Kesha dans le Midwest.
D'autant que la jeune actrice - en dehors de la saga vampirique mormone - n'est pas connue pour ses résultats au box-office, le saint-Graal hollywoodien d'une carrière de star réussie. Révélée à 12 ans par le Panic Room de David Fincher, elle a enchaînée ensuite les bides commerciaux de films hollywoodiens (Catch That Kid, Cold Creek Manor, In The Land Of Women, The Messengers) et des petits rôles dans des films indépendants (Undertow, Fierce People, Into The Wild...). C'est ces derniers qui lui valent d'être choisie par Catherine Hardwicke (Thirteen, Lords of Dogtown) pour le rôle principal de Twilight. Pas con. Moi-même, je l'ai toujours trouvé assez fascinante dans ces quelques films. C'est alors le rôle qui change tout. Le film devient un phénomène. Son actrice avec lui.
Mais le "phénomène Kristen Stewart" semble artificiellement gonflé par les milliards de dollars rapportés par les films pour adolescentes et surtout par les déclarations enflammées de ces petits coeurs fragiles adolescents qui confondent Kristen et Bella. KStew pourrait bien ressembler à une bulle. Adventureland ou The Runaways séduisent la critique mais restent très peu vus. L'actrice n'attire pas les foules en dehors de son rôle fétiche. "Son public principal" se cantonne à des jeunes filles qui s'identifie à sa beauté pas franchement spectaculaire mais séductrice du beau ténébreux Robert Pattinson/Edward Cullen.
Quant au reste du public, il ne voit souvent en elle qu'une enfant gâtée au jeu monolithique.
C'est là qu'intervient LE scandale. Il y a quelques années, Courteney Cox jouait dans la série Dirt, du nom du tabloïd qu'elle dirigeait. De la saleté, c'est ce qui vient de se poser sur la carrière de KStew. Une saleté bien crade. Dans le genre, Brad Pitt qui trompait Jennifer Aniston avec Angelina Jolie sur le plateau de Mr & Mrs Smith s'était de la gnognotte, à peine une petite tâche d'eau sur un t-shirt en coton.
Tout à fait ce dont avait besoin la carrière de l'actrice. Car pour elle, Twilight, c'est terminé. Le film est tourné. Le salaire versé. Il ne lui reste qu'une tournée promo à faire. Promo qu'elle s'empressera de tourner à son avantage pour vendre ses futurs projets et sa vie "post-Twilight". Du coup, ses "pêchés" pourraient bien tourner à son avantage : l'histoire d'amour avec RPatz commencée avec Twilight se termine aussi avec le dernier film de la franchise, forçant par la même occasion les "twihards" à se faire une raison. C'est la doctrine de l'électrochoc de Naomi Klein appliquée au people. Quant à Rupert Sanders, son âge, sa femme et ses deux enfants, c'est cette fameuse saleté dont tout bonne star a, un jour, besoin pour passer une étape, arrêter d'être cantonnée, cataloguée, étiquetée et, à terme, pour ne pas disparaître du radar.
Depuis qu'elle a accepté le rôle de Bella, Stewart s'est acharnée à montrer autre chose d'elle, à se détacher de son personnage d'ado niaise avec des rôles assez cul et trash dans des productions indé (On The Road, The Runaways, Welcome To The Rileys). Et son prochain rôle dans Cali qu'elle produit et porte depuis plusieurs années va aussi dans ce sens avec son univers tournant autour du porno et des snuff movies. Mais peu de gens ont vu ces films. Alors une aventure avec un réalisateur deux fois plus âgé et de surcroît marié avec des enfants, ça aide à changer d'image, à sexualiser brusquement, auprès du grand public, une image de jeune fille prude. Ça aide à devenir une femme.
Attention, je ne suis pas en train de dire que toute cette affaire est un "complot" monté de toute pièce - même si clairement c'est une option plausible (les images volées assez soft et vraiment pas dissimulées, le communiqué de presse sorti en à peine 24h...).
Mais il se pourrait bien que ce que la presse people appelle aujourd'hui "la descente aux enfers de Kristen Stewart" soit en réalité "le tournant de la carrière de Kristen Stewart", un coup de poker pour changer la donne. Une erreur de débutante en surface. Un brillant tour de force en profondeur.
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