"S’il n’y a plus de gauche, il n’y a toujours pas de droite. Il y a des gauches et des droites. Et, aucun des problèmes essentiels que la France a aujourd’hui à résoudre ne passe plus désormais d’abord par un affrontement gauche/droite. Ce que la plupart des autres pays européens ont compris ou sont en train de comprendre, la France doit le comprendre à son tour. Ceci ne signifie pas que la gauche socialiste et la droite UMP sont d’accord sur tout ni qu’elles doivent cesser de s’opposer. Mais, ceci signifie que l’avenir de notre pays, dans les temps qui viennent, dépendra, pour une large part, des compromis que ces deux partis passeront, notamment sur l’avenir de l’Europe."On reconnait là un thème ancien qui situe l'avenir au centre, avec de chaque coté des extrêmes condamnées à l'impuissance et au populisme. Derrière cette thèse ancienne, on retrouve des idées assez largement répandues et que François Bayrou a portées tout au long de la dernière campagne électorale : gauche et droite feraient in fine les mêmes politiques, des alliances entre l'une et l'autre sont nécessaires dans les moments de grande crise, des majorités d'idées sont sur de nombreux sujets possibles voire nécessaire.
Grunberg reconnait que son modèle est aujourd'hui freiné par le mode de scrutin qui force les deux blocs à se rapprocher. Il en conclut qu'il conviendrait d'introduire une dose de proportionnelle
"Si les deux grands partis veulent s’affranchir de la nécessité de nouer des alliances électorales avec les extrêmes, il faut donc modifier profondément le mode de scrutin afin de dé-rigidifier le clivage gauche/droite tout en permettant l’alternance. La proportionnelle est l’un des remèdes à cette situation. Il faut créer en effet les conditions où chaque parti sera libre au moment des votes au Parlement de créer des majorités d’idées."Tout cela me parait pour le moins contestable. Prétendre que la position face à l'Europe structure la vie politique française me parait aller bien vite en affaires. Pour que ce soit le cas, il faudrait que cette position serve de colonne vertébrale à un ensemble de positions idéologiques. Or, je ne vois pas que ce soit le cas. Les nonistes de gauche peuvent se retrouver dans une manifestation mais quoi de commun entre les écologistes et les communistes sorti de ce non?
Le plus frappant dans ce qui se passe aujourd'hui est l'extrême fluidité des positions : Mélenchon était pour Maastricht, il appelle à voter non au Traité européen. Fabius a appelé à voter non au référendum sur l'Europe, il est aujourd'hui partisan du pacte budgétaire. Les écologistes qui appellent à voter non sont probablement le plus européen des partis français. Et ce qui est vrai des dirigeants politiques l'est de beaucoup d'électeurs.
Cette fluidité est renforcée par l'absence d'ancrage des partis qui soutiennent le non dans l'opinion. Le PC a disparu, les organisations syndicales qui portaient sa voix se sont faites bien discrètes. Les opinions sur l'Europe, quoique largement sceptiques, ne sont pas construites, consolidées, elles vont et viennent au sein d'espaces idéologiques qui restent marqués par une opposition de fond entre la gauche et la droite, opposition que le projet de budget du gouvernement illustre à merveille. S'il est confronté aux mêmes défis que ses prédécesseurs il a choisi des solutions radicalement différentes pour atteindre le même objectif : la réduction du déficit et la mise à l'abri des marchés.