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Les beaux jardins

Publié le 02 octobre 2012 par Corboland78

Peut-être est-ce en partie la faute à la télévision et à cette émission diffusée sur France5, Silence ça pousse ! toujours est-il que j’ai beaucoup d’admiration pour les beaux jardins. Jardins à l’anglaise où fleurs et plantes prolifèrent dans un désordre ordonné, mariage des couleurs et des senteurs autour de pelouses qui reposent l’œil et l’âme. Jardins japonais tout de minéral et de végétal, seuil de l’expérience mystique. Enfin jardins à la française rendant visible la main de l’homme, là où d’autres tentent de la rendre plus discrète.  

« Dieu Tout-Puissant planta tout d’abord un jardin. Et, vraiment, c’est le plus pur des plaisirs humains » disait Sir Francis Bacon. Mais les plaisirs les plus purs ne sont pas les plus innocents pour autant. Quand Dieu mit l’homme en son paradis, il le fit sous condition et l’on sait ce qu’il en advint. Depuis, l’humanité court derrière ce rêve impossible, retrouver ce fameux jardin. Par défaut, chacun – du moins ceux qui le peuvent – se contente d’un bout de gazon devant son pavillon de banlieue.

Dans son roman L’Âne Culotte, Henri Bosco citant le journal intime de l’étrange monsieur Cyprien évoque Fleuriade, un jardin merveilleux autant que secret poussé au cœur de la garigue sèche et désertique de Provence. « Devant la porte de l’enclos, il s’est arrêté, frappé de stupeur. Le jardin était là, le jardin fou, jailli, le paradis éclos en trois semaines, là, devant lui, avec ses beaux arbres tout frais, qui nous dépassaient de quatre coudées franches, et des oiseaux à pleines branches et qui chantaient, la gorge dans le vent. Les amandiers embaumaient l’air. Il a posé sa grande main sur le pilier droit de la porte et il a regardé. Longtemps. Il ne disait rien. J’étais heureux. » Pourtant Constantin, l’enfant auquel était promis ce paradis terrestre ne saura éviter l’impardonnable et par là, perdre son héritage qui redeviendra le domaine des ronces et des caillasses. 

De son côté Emile Zola dans La Faute de l’abbé Mouret nomme Paradou, le jardin merveilleux où « Albine se livra. Serge la posséda. Et le jardin entier s’abîma avec le couple, dans un dernier cri de passion. Les troncs se ployèrent comme sous un grand vent ; les herbes laissèrent échapper un sanglot d’ivresse ; les fleurs, évanouies, les lèvres ouvertes, exhalèrent leur âme ; le ciel lui-même, tout embrasé d’un coucher d’astre, eut des nuages immobiles, des nuages pâmés, d’où tombait un ravissement surhumain. Et c’était une victoire pour les bêtes, les plantes, les choses, qui avaient voulu l’entrée de ces deux enfants dans l’éternité dela vie. Le parc applaudissait formidablement. » Mais là encore l’homme n’échappe pas à son destin, abandonnant le jardin des délices Serge condamne Albine à l’irréparable geste. 

Alors, est-il raisonnable de s’enticher des jardins merveilleux, sont-ce des leurres ou des mirages ? Je pose la question, faut-il se méfier du Paradis et les beaux jardins sont-ils synonymes d’effroyables jardins ?   


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