Il s’agit toujours de questionner la perception, de réfléchir le travail du regard confronté à ce qui vient à lui en dressant des images. Toujours, le réel s’efface ou s’esquive derrière les images que l’on s’en fait et qui se plantent en nous avec leur évidence muette, vertigineuse. Alors, depuis quelque temps, je dis tenter de peindre ce sentiment de présence, ce qui s’impose de l’ordinaire de nos villes quand on y dérive, y tourne le regard. Quelque fois c’est peindre une nudité frontale, quelque fois l’arrangement géométrique des choses sous le regard. Une fois j’ai voulu peindre l’éclipse d’une image tournée sur elle-même à la fenêtre de la voiture dans un trajet, une autre fois l’aspiration d’une image au dedans d’elle-même et comme elle semblait toujours devoir échapper, se retirer en son fond à travers les arbres, les lignes et le format du tableau lui-même. Et puis j’ai peint la nuit dans laquelle elles sont prises, de laquelle elles semblent sourdre et qui les hante. C’était là encore peindre la précarité des images dans le regard, leur appartenance au dedans, l’inquiétude qui les borde. J’en ai peint plusieurs. J’ai intitulé la série « images inquiètes ». J’ai écrit un petit livre* qui raconte ça, l’incertitude dans laquelle nous place l’époque.
*l'être&le passage, éditions La Termitière, 2012.