14-18. Enterrés dans une tranchée de boue et de sang, les poilus de la 18eme compagnie d’infanterie attendent le prochain assaut avec résignation. Ils assistent, impuissants, à l’exécution de trois des leurs, qui ont déplu à la hiérarchie…
Scénario de Zidrou, dessin de Francis Porcel
Public conseillé : Adulte et adolescent
Style : Guerre Paru chez Dargaud, le 28 Septembre 2012
L’histoire
C’est la guerre, la grande, la terrible. La “vie” dans les tranchées est pleine de certitude : la mort vous attend ! Ce n’est qu’une question de temps pour savoir quand elle embrassera les poilus, qui attendent résignés, leur tour. Pour survivre, chaque homme de la 17ème compagnie d’infanterie fait appel à ses maigres ressources : l’alcool, les souvenirs d’une vie de couple, l’humour facile, la foi, la douceur des permissions. Tout est bon pour ne pas abandonner l’espoir.
Dans ce pays sans hommes, ce “no man’s land”. leur petit quartier général boueux, ils l’ont surnommé “Les folies Bergère” en l’honneur de ce lieu qu’ils se sont promis d’aller visiter. Un lieu rien qu’à eux où l’amitié et la complicité leur servent de repas et de vêtements chauds.
Comme les balles et les bombes allemandes ne suffisent plus, les gradés s’invitent dans ce jeu de dupe. Ce jour là, 3 exécutions sont programmées. 3 hommes apeurés, paniqués qui vont servir d’exemple au bon soldat français parti mourir le sourire au lèvres. Mais le destin s’en mêle. Rubinstein, un des 3 hommes promis aux balles françaises ne meurt pas. Rien n’y fait. Ni les tirs dans la poitrine, ni la balle en pleine tête à bout portant. Le phénomène est suffisamment étonnant pour crier au miracle, et ce n’est pas le curé venu visiter son frère qui dira le contraire. Pourtant les ordres sont clairs. Ce “poupin” qui a osé se révolter contre sa hiérarchie sera passé par les armes. Dans cette confusion, une petite fille en pleurs apparait sur le champ de bataille. Après Jesus, quel est ce nouveau “miracle” ?
Et paf, dans ta tronche !
Zidrou et Pordel s’attaquent à un sujet qui a été traité par des grands noms de la bande dessinée (Tardi bien sûr avec “c’était la guerre des tranchées”, ou “le trou d’obus”, mais aussi plus récemment Maël/Kris avec “notre mère la guerre”). Cette boucherie organisée est une des pires réussites de l’humanité, pour montrer à quel point la guerre est stupide et laide. Dans Folies Bergère, Zidrou et Porcel proposent Leur Vision de la guerre, en s’attachant plus aux personnages qu’au contexte. Comme Zidrou le fait dire à ses personnages, dans ces tranchées, les mots prennent un sens nouveau : la guerre, le devoir, le café…
Un scénariste particulier, un auteur en somme…
Zidrou n’est pas un débutant. Scénariste de bds “jeunesse” à succès (l’élève Ducobu, Tamara, Margot et Oscar Pluche, Sac à puces…), il refuse de se limiter à ce seul genre. En cherchant à retirer l’étiquette trop vite attribuée de “bd à gros nez”, il s’est imposé depuis peu dans un registre réaliste. Parfaitement à l’aise dans la mise en scène de notre monde contemporain, il explore les rapports humains, et certains thèmes récurrents (la rédemption, la quête initiatique, le rapport au père) dans “Lydie”, “La peau de l’ours” et “Folies Bergère”.
Si ce projet, dur et fort, a été initié par Francis Porcel, un jeune dessinateur espagnol passionné par la première guerre mondiale, Zidrou s’est accaparé le projet avec brio. Soit, cet album dénonce cette terrible guerre et ses abominations, mais au delà du côté documentaire, Zidrou se concentre sur ses personnages. Dans cette 17ème compagnie d’infanterie, chaque personnage trouve sa place, et une forme de grâce, quelles que soient leurs histoires, et leurs différences. Proche de ces personnages, il décrie leur quotidien crûment et avec une grande précision. Mais c’est surtout dans les “respirations” inattendues, les soubresauts de son récit (souvenirs heureux, scènes champêtres de Monet peignant ses nénuphars) que j’aime son approche. Auteur hors norme, il se laisse conduire par ses personnages et son histoire et s’autorise toutes sortes de fantaisies. Son scénario, même s’il est très construit est, par définition, non-linéaire. En émaillant son récit de “perles” isolées, de métaphores dignes d’un Opéra (l’apparition du diable et de dieu en est un bel exemple), il casse l’ambiance si pesante, et introduit une forme de poésie fantastique. Cette opposition entre scènes du front horribles et la quiétude du jardin de Monet ou la douce chaleur d’un couple tendre est particulièrement saisissante. Après le choc émotionnel, il vous restera la sensation de s’être fait surprendre par son récit, loin des histoires ‘techniques’ et trop “calibrées”. Si vous aimez être déstabilisé par un auteur, vous allez adorer.
Côté dessin
Comme à son habitude pour ces récits réalistes, Zidrou travaille avec un dessinateur dont le travail est ultra cohérent avec le sujet. Comme dans “la peau de l’ours” ou “Lydie” (aux dessins très éloignés de “Folies Bergère”), la magie, le lien entre histoire et dessin fonctionnent. Habité par cette première guerre mondiale, Francis Porcel est un (jeune) maître du dessin. Ses planches transpirent la boue et la peur des hommes. Son trait réaliste s’inscrit dans l’impression, l’émotion.
Aussi à l’aise dans les décors complexes que dans les gueules des poilus, il assure un spectacle morbide. Sa mise en couleur en tons de gris et ocres donne des planches salies par la grisaille de leur quotidien. Quelques touches de couleurs ponctuent cette grisaille. Rouge du sang, Rose des sentiments, Nympheas de Monet. Ce principe pictural, digne d’un maitre du visuel comme Spielberg dans la “liste de Schindler” et Coppola dans “Rusty James” reste la seule touche de “beauté” dans ce monde sali par la guerre.
Pour résumer
Dans ce nouveau One Shot, Zidrou et Porcel vous racontent leur version de la grande guerre. Une histoire organique, de tripes et de sang mais aussi de solidarité et d’amitié.
Sublimé par le dessin de Francis Porcel, Benoit Drousie, dit zidrou vous surprendra. Laissez vous porter comme lui dans une histoire subtile et humaine de guerre, de folie, et de foi.
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