Balanchine /serenade, agon et fils prodigue

Publié le 01 octobre 2012 par Popov

Le Ballet de l'Opéra ouvre la saison en beauté avec trois ballets représentatifs de la carrière du génial chorégraphe russe George Balanchine (1904-1983).

Le choix est lumineux. Les trois ballets scandent avec pertinence l'évolution d'un artiste décisif dans sa diversité. De sa formation au Ballet Impérial de Saint-Pétersbourg aux ballets russes et jusqu'à la création du New York City Ballet, Balanchine a ouvert la voie à la danse moderne sachant mêler classique et plaisir, varier les références musicales (de Piotr IlitchTchaïkovski à Stravinski en passant par Prokofiev pour les ballets sélectionnés), épater par ses audaces.

La soirée ne joue pas la chronologie et commence par le délicat et tonique "Sérénade" (créé le 9 juin 1934 au début de la période américaine) qui emporte par son liant et son enthousiasme. Du Forsythe avant l'heure : minimalisme dans le décor, coloré, attentif à la découpe des gestes et du délié infini des corps sur fond de cyclo aux teintes aquarelles. Néoclassique ou plutôt déjà moderne. Romantique mais moderne.

Le 2ème ballet plus géométrique, en noir et blanc, épuré et millimétré s'intitule Agon qui signifie compétition ou rivalité. Douce compétition baroque et cubiste dans laquelle vont s'affronter en tenue de répétition douze danseurs au sommet de leur expression (Alessio Carbone, Mathieu Guanio -entre autres étoiles) sur la musique baroque et dodécaphonique de Stravinski et jusqu'à un pas de deux proprement diabolique de Nicolas le Riche et Aurélie Dupont où la chorégraphie flirte avec la technique jazz.

Le troisième ballet, davantage dans l'esprit Ballet russe, est le plus classique au fond rétrospectivement avec ses décors et costumes d'un Georges Rouault facétieux et stylé. Marie-Agnès Gillot y danse une courtisane superbement entravée par une cape qui s'enroule comme un serpent biblique, mais d'une sensualité à damner un fils fut-il prodigue. C'est gai, sautillant, coloré comme un russe ballet. Sur la musique loufoque et parfois inquiétante de Prokofiev.
"Ecouter la danse, regarder la musique" tel était le credo de Balanchine, son Prima le parole, dopo la musica .

Ce retour de l'enfant prodigue sur les genoux (au sens propre) aves un père qui le prend dans ses bras comme un bébé avant de le recouvrir de sa cape protectrice, voici le thème biblique bien revisité.

Il émeut dans sa simplicité et sa grande beauté.