En 2010, on a découvert Tame Impala avec leur fabuleux Innerspeaker, mélange d’influences psychédéliques classiques et de leur propre crafting, résultant en un voyage spatial exceptionnel, fait de riffs fabuleux et de chants surpuissants. Après le côté délirant de l’album, ils récidivent et nous offrent cette année une seconde fournée, encore plus travaillée et hallucinogène avec Lonerism, qui s’avère parfait sur tous les points. Chronique !
Pour l’anecdote, j’ai écouté cet album une dizaine de fois et je ne sais toujours pas par où commencer cette chronique. Il y a tellement de choses à dire dessus, et tellement de perfection sur tous les points que j’ai éprouvé pour la première fois un writer’s block. Je n’ai simplement pas pu parler d’un travail aussi dense et formidable.
La faute vient principalement du sentiment d’être encerclé par tant de densité musicale. Lonerism, c’est 52 minutes de pure joie, de bonheur psychédélique, des premiers samples de Be Above It au riff dronesque de Sun’s Coming Up et tout est fait pour qu’on se sente réellement immergés dans cet univers. Aussi, parce que c’est dur de prendre des chansons comme exemple tellement le tout est particulièrement énorme. Fondamentalement, on retrouvera tout ce qui a fait la gloire de leur premier opus : Le songwriting touchant de Kevin Parker, son chant poignant, les riffs déments, les thèmes vagues-mais-tellement-compréhensibles, etc.
Sauf que là, pour leur 2ème album, c’est encore plus varié et perfectionné. Pour faire (très) simple, chacune des 12 chansons est un highlight. Il n’y a littéralement aucun point faible et chaque track est excellent dans l’absolu. Cependant, on retrouvera encore plus de variété… Elephant, par exemple, est le track le plus atypique de l’album, sans pour autant nuire à la cohérence de l’album. C’est une chanson beaucoup plus influencée par le classic rock et le glam rock, et c’est impressionnant d’écouter quelque chose qui sonne aussi typique en 2012. Avec ses riffs surpuissants, ses drums lourds et… qui rappellent un éléphant, ses jams purement psychédéliques et ses lyrics délirantes, on aurait pu croire que les Tame Impala voulaient faire revivre les anciennes méthodes de production – surtout quand on se dit que c’est le lead single. Mais de manière générale, le tout est largement plus varié. On sera charmés, pour ne pas dire fascinés par le choc entre les guitares classiques et les synthés beaucoup plus pop.
Aussi, l’un des atouts principaux de l’album reste le songwriting sensationnel de Kevin Parker. Chaque chanson a son lot de refrains impulsivement mémorables aidés par une consistance lyrique parfaite. Reprenant les thèmes de la solitude, de la joie, du délire, de l’impuissance presque appréciable de l’homme face à la grandeur de l’univers, etc., on a droit à des phrases quasi-cultes sur chaque chanson. Par ailleurs, le tout est extrêmement… simple et percutant, tout en restant touchant, émouvant et poignant. Je veux dire, sérieux, une chanson qui s’appelle Endors Toi, on ne peut pas être plus explicite ! Le chanteur se rassure sur Be Above It en chantant And I know I that I can’t let’em bring me down, ou sur Why Won’t They Talk To Me?, une sorte de Solitude Is Bliss 2.0 où il se plaint de la solitude qu’il éprouve, avant de se dire But I don’t care about them anyway, I wouldn’t listen to a word any other say, they just talk about themselves all day, one day they’ll be standing beside me. Sur d’autres chansons telles que Nothing That Has Happened So Far Has Been Anything We Could Control ou Feels Like We Only Go Backwards, le songwriting joint le feeling de la chanson, et c’est réellement aliénant. On sent vraiment qu’on ne peut rien faire face à tout ce qui arrive, qu’on est dépassés, et qu’on ne peut que flotter en subissant tout ce qui se déroule sans changer le scénario. C’est ce qui se passe sur tout l’album, où on se laisse bercer par la musique sans même penser à se rebeller. On laisse les choses se faire tranquillement et on ne se plaint pas.
On a même une chanson d’amour, sous la forme de Mind Mischief, où la joie est pure et simple, et pourtant tellement facile à comprendre. Kevin Parker s’extasie en se disant qu’elle se rappelle de son prénom et c’est le genre de détail tellement trivial mais qui réussit à avoir énormément de sens et de puissance dans le cadre de la chanson qu’on retrouvera dans tout l’album. C’est du songwriting dans sa forme la plus pure et la plus plaisante à capturer. Par contre, ce n’est pas parce que le concept est simple que le reste l’est aussi. La complexité des couplets et des refrains est incroyable et pourtant tellement agréable à apprendre par coeur.
Lonerism est un exemple parfait de ce que peut donner un songwriting particulier couplé à une instrumentalisation époustouflante. Sur tout le long des 52 minutes, chaque passage est mémorable, rien n’est à jeter. Le drumming est sensationnel, puissant, parfois gigantesque, les riffs surpuissants, interstellaires et mind blowing, les jams psychédéliques, denses et le tout est extrêmement… épais. Chaque chanson a son lot de moments intenses et captivants. Chaque écho, chaque synthé, chaque note de guitare, tout est maîtrisé à la perfection, et le tout est juste splendide. On peut presque sentir les riffs couler entre nos doigts et le tout est cohérent au maximum. Il y a des moments où ça explose et où c’est maximaliste sur littéralement tout l’album. Sur beaucoup de chansons, quand les riffs se finissent et que les échos s’arrêtent de rebondir, on croit que c’est fini, et le frontman revient chanter une dernière fois et tout reprendre.
Le chant de Kevin Parker a beaucoup progressé depuis Innerspeaker. Ici, on retrouve énormément de falsettos, accompagnés de différents layers de voix, et le résultat est mind blowing sur toute la longueur de l’album. On sent surtout cette qualité exaltante et jouissive sur des tracks tels que Why Won’t They Talk To Me? ou Apocalypse Dreams.
Même le mixage est parfait, les transitions sont superbes, avec Feels Like We Only Go Backwards qui s’ouvre avec ses notes de piano pour ensuite exploser, ou l’interlude She Just Won’t Believe Me qui réussit à être l’un des moments les plus poignants de l’album en juste moins d’une minute. Et si ça ne suffit pas (on sait tous que ça l’est, donc pour rendre ça encore meilleur que la perfection déjà atteinte), le sampling est phénoménal et entièrement à sa place. Souvent, sur des chansons comme NTHHSFHBAWCC ou Keep On Lying, on a des samples de dialogues à peine audibles, de rires délirants qui rappellent ceux utilisés sur le cultissime Histoire de Melody Nelson de Gainsbourg, pour un effet encore plus psyché que le psyché peut l’être. L’album s’ouvre sur des samples aliénants et répétitifs rappelant l’expérimental d’Animal Collective, continue sur une virée classic rock, puis les montées les plus psychédéliques, l’interlude, encore du psyché, et une outro qui s’ouvre sur un piano étrangement calme et doux avant de déclencher l’un des riffs les plus aliénants de l’album, enrichi par les échos et les drones, virevoltant comme un didgeridoo.
Et au milieu, il y a Apocalypse Dreams, l’un des meilleurs tracks et l’un des plus complexes, qui s’ouvre sur un piano rappelant des sonorités classiques et des drums effrénés avant d’exploser avec un falsetto poignant comme pas possible et un piano qui s’excite. Parker scande This could be the day that we push through, this could be the day that all our dreams come true, et après environ 1 min 30 tout change, la mélodie rappelle énormément les jours Dark Side Of The Moon-esque de Pink Floyd, tout est dense, intense et interstellaire. Everything is changing and there’s nothing I can do, my love is turning pages while I am just sitting here… rappelle encore ce sentiment d’impuissance, avant qu’il ne se remette en question et conclut par un Does it even matter? avant de reprendre le tout sur un air encore plus grandiose et glorieux. Nothing ever changes, dit-il, et surtout pas la qualité du groupe.
Il y a énormément de choses à dire sur Lonerism, et chaque chanson mériterait un breakdown comme je l’ai fait pour Apocalypse Dreams. Cet album est le son d’un groupe déjà excellent qui perfectionne chaque détail de ses techniques pour rendre le tout parfait de manière optimale. C’est un pur voyage psychédélique surpuissant et délirant, joyeux, excitant et fascinant, où on navigue entre paroles explicitement démentes, instrumentalisation parfaite et sentiment de joie inégalable. Je n’ai rien écouté de meilleur en “rock” cette année, et Tame Impala réussissent à nous faire écouter en 2012 ce que donnerait une rencontre moderne entre les plus grands groupes de psyché (*ahem* Pink Floyd) : beaucoup d’influences qui se mélangent, tout en gardant une touche personnelle et extrêmement maîtrisée. Lonerism est un album à écouter de toute urgence. 9.3/10
Si Mohammed El Hammoumi (Si Mohammed El Hammoumi)Je suis le rédacteur en chef du site. Je suis marocain, j'ai 18 ans et je suis étudiant... Bref, sachez surtout que je suis un énorme passionné de musique underground et de journalisme musical qui connaît le sujet de fond en comble. Je trouve énormément de plaisir à écouter, partager, découvrir, parler, débattre et autres activités tant que ça concerne la musique. Voilà !
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