Hier je suis allé à l’école Saint-Ambroise refaire les photographies des enfants. Il me fallait précisément les prendre de face et de profil, il fallait qu’ils restent immobile, le regard fixé sur moi. J’ai eu un peu honte de cette contrainte et je pensais à toutes les représentations des enfants “anormaux” au cours de l’histoire, à ce que certains ont dû subir, au traitement de leur image, de leur représentation. Je voulais prendre le chemin inverse et les magnifier, j’aimais ce retournement. Ils ont joué le jeu. L’un d’entre eux avait peur, caché sous un tapis, allongé au sol, prononçant des mots inaudibles, courant, pris de peur, de lui-même, ne pouvait se séparer de lui et de la contrainte du monde, de tout ce qui l’entourait. Tout représentait un effort, le battement le coeur, le souffle court, la peur de soi, de ce qui n’est pas soi en soi, de ce qu’on ne reconnaît pas. Le projet évolue, “Otherself”, c’est la question de l’avatar et du dédoublement qui répète, de la différence qui commence par un premier coup. Et qu’est-ce que l’avatar si ce n’est cet éternel retour, de l’anonyme dans l’identité? Il n’y aura bien sûr rien de thérapeutique dans ce projet, simplement le désir d’expérimenter avec ces enfants autistes (mais cet assemblage entre l’enfance et l’autisme me semble obscène comme s’il était à présent impossible de les ranger dans cette boîte trop étroite) leur propre dédoublement, leur désadhérence à eux-mêmes, et voir s’ils peuvent en jouer avec un éclat de rire.