Premier succès littéraire de François Mauriac, cette longue nouvelle nous ramène dans un grand domaine des Landes, au sein de la famille très dévote de Jean Péloueyre, (23 ans) et de son père Jérôme, hypocondriaque. Jean est très laid, et il le sait. Il fuit les regards, craint les moqueries des filles, parle tout seul entre deux tics. Son seul loisir est la chasse aux pies, courir dans la lande …
Jean pense qu’il ne se mariera jamais. Cependant, son père et le curé du village vont lui présenter une jeune fille ravissante qui l’acceptera, car « On ne refuse pas un fils Péloueyre. » et que l’héritage du père ne saurait tomber entre les mains impies des Cazenave, l’oncle et la tante de Jean.
Jean se rend compte très vite qu’il fait horreur à Noémi, qui se laisse posséder comme une morte, et dépérit à mesure que les nuits conjugales s’avancent. Noémi est une fille simple, qui connaît et accepte les obligations et les rigueurs d’un mariage arrangé. Pour la délivrer de sa présence, Jean va à Paris quelques mois, où il n’éprouvera aucune expérience positive puis en reviendra terriblement affaibli. Noémi, pendant son absence, se porte en revanche très bien : elle s’occupe de son impérieux beau-père, gère les métairies, occupe son temps à des œuvres de charité. Son cœur battra un peu plus fort pour le jeune médecin du bourg, mais elle saura le désespérer. La seule façon de la délivrer de lui, pense Jean, est de hâter sa propre mort. Aussi se rend-il chaque jour au chevet d’un ami poitrinaire, et contracte naturellement sa maladie, puis meurt.
Noémi, en grand deuil, se réfugie alors dans la nourriture, et continue de s’occuper de son beau-père qui a testé en sa faveur à la condition qu’elle ne se remarie pas. Ainsi voit-elle sa jeunesse s’enfuir … tout en espérant à nouveau l’ultime délivrance, la mort du vieux Jérôme. Mais l’hypocondriaque se ménage et dure, dure …
Ici encore, le roman ne manque pas de références personnelles et d’introspection de la part de son auteur. On se souvient que la beauté de François Mauriac n’était pas sa principale qualité et toutes les réflexions de Jean furent sans doute, en sa jeunesse, les siennes. Toujours cette lucidité mordante, cette peinture sans concession des égoïsmes, des calculs patrimoniaux des plus vieux qui étouffent leurs propres enfants, sous le couvert de bons sentiments chrétiens et la crainte du qu’en dira-t-on.
On retrouve la suite de l’histoire de la famille Cazenave dans Génitrix. Je vais me dépêcher de la lire ….
Le baiser au lépreux, chez Grasset et en Livre de Poche, 4€.