Voici un livre parti d’une bonne idée, pas forcément désagréable à lire, mais qui malheureusement laisse le lecteur sur sa faim. La théorie de l’information raconte les trente dernières années, sous la forme de la biographie d’un milliardaire imaginaire, Pascal Erlanger, dont le parcours ressemble de très près à celui de Xavier Niel.
Le livre est lui-même construit en trois parties, correspondant aux trois moments forts de la vie du héros: son parcours dans l’univers du Minitel, le développement de son FAI, et une troisième partie assez fantasmagorique intitulée 2.0.
Entre chaque chapitre, l’auteur se livre à quelques digressions autour de thèmes scientifiques, parlant essentiellement de thermodynamique ou de la théorie de l’information de Shannon (d’où le titre).
Voici donc Pascal Erlanger, jeune lycéen réservé, qui découvre les joies du bricolage et de l’électronique avec son père, et de l’informatique avec un ZX81. Au travers de ses diverses rencontres fortuites, il est amené à travailler pour des acteurs du minitel rose, et prend rapidement son indépendance.Malin, il développe de nombreux services minitels, ce qui lui permet de jeter les premiers jalons de sa fortune. Comprenant vite que la déferlante Internet arrive, il se lance de la fourniture d’accès Internet, avec une approche marketing innovante, fondamentalement low-cost, qui lui permet rapidement de devenir l’un des trois premiers acteurs en France. Mais le milliardaire fait des jaloux, et il doit passer quelques jours en prison, pour les revenus non déclarés tirés de l’exploitation d’un sex-shop. Il solde alors ses parts dans son FAI et dijoncte peu à peu, jusqu’à télécharger le contenu de Facebook (:) et à l’inoculer dans l’ADN d’abeilles qui, part leurs piqûres, vont le conduire à la mort.
Le parallèle avec Niel est latent, jusqu’au nom de son entreprise: Ithaque au lieu d’Iliad. Les dates clés sont respectées, les grandes lignes du parcours aussi: le minitel, le FAI, l’introduction en bourse, etc. Au travers de son histoire, on retrouve aussi celle de quelques personnalités qui ont marqué ces 30 années de développement technologique: de Thierry Breton à Jean-Marie Messier, en passant par Sergei Brin et Alain Minc, tous évoqués en clair. La rencontre avec Nicolas Sarkozy est un des passages les plus truculents.
Il existe trois types de biographies: les flatteuses sont là pour enjoliver l’histoire, les sérieuses sont là pour énumérer des faits et amener à réfléchir, les dernières ne servent qu’à régler des comptes de manière publique. La Théorie de l’information ne relève d’aucune de ces trois catégories. On suit l’histoire d’Erlanger comme celle de Niel, mais ce n’est pas celle de Niel, on rentre dans des niveaux de détails de la vie privée qui n’ont rien à faire dans l’histoire de Niel. L’ananlyse de l’évolution technologique du Minitel à l’iPhone est intéressante, précise, mais le délire final autour des abeilles et des l’utilisation de l’ADN non codant (dont on a récemment évoqué l’utilité probable) laisse songeur: était-ce véritablement la fin voulue par l’auteur, ou bien a-t-il bâclé volontairement cette partie là, de bien moindre qualité que les deux premières?
Qu’est ce que ce livre au final? Ni biographie, ni véritable histoire des progrès scientifiques en France, j’ai du mal à le situer. Et je comprends la moue hésitante de Xavier Niel, lors de la conférence de l’UDECAM, qui ne semblait pas en penser grand chose. La première biographie du patron d’Iliad reste à écrire…