Leur fermeture, programmée par ArcelorMittal, symbolise la fin d'une époque. Les derniers hauts fourneaux de Lorraine vont disparaître. Cet achèvement démontre la fin d'un monde. Faut-il s'y accrocher, rester dans la nostalgie ou, au contraire, se tourner vers l'avenir et imaginer un autre avenir?
Depuis ces derniers mois, la litanie des fermetures d'usines et des réductions de postes s'accélère. L'opinion publique se focalise sur chaque situation particulière, sur chaque sauvetage qui, généralement, échoue. Cela entraîne une morosité et développe un pessimisme qui finit par toucher la société toute entière.
Il faut avoir le courage de le dire: ces usines qui ferment symbolisent l'ancien monde qui se meurt. Cet ancien monde était celui des grandes usines qui utilisaient les ressources du sous-sol pour fabriquer des produits périssables que l'on vendait en grande quantité aux consommateurs. La globalisation économique a déplacé ces usines qui vont maintenant polluer d'autres pays qui tentent d'imiter nos modes de vie.
Mais, la fin inévitable des ressources bon marché et la généralisation à la planète entière de notre société de consommation, condamnent ce système. Les prix des matières premières ne cessent d'augmenter. Les multinationales se sont lancées dans un ballet infernal pour aller au plus près des nouveaux consommateurs et des quelques ressources qu'ils restent à exploiter. Ils nous délaissent à la recherche d'autres profits.
Faut-il alors s'accrocher à ce vieux monde? Faut-il se battre, bec et ongles, pour le préserver? Faut-il mener un combat perdu d'avance? Non ! Il faut, au contraire, tourner le dos à ce combat inutile et porter nos regards vers le monde de demain, celui d'un autre avenir, d'une autre prospérité qu'il nous reste à inventer.
Les rares experts qui ont le courage de se tourner vers l'avenir nous parlent d'une société qui appuierait son nouveau développement sur la "société du savoir" ou sur un développement de nouveaux services (santé, nanotechnologie, etc...). Ces visions sont des chimères. La société du savoir est en marche depuis longtemps, mais ce n'est pas elle qui a développé l'économie. Les nouveaux services ont surtout ... un coût élevé! Qui pourra payer ce renforcement de l'éducation et des services dans des sociétés endettées de manière considérable? Personne!
L'espoir réside ailleurs. Il se niche dans un éventail de solutions qui vont nous mener vers une économie durable. Ce qui plombe nos économies, c'est le coût croissant des ressources : hydrocarbures (60 milliards par an pour un pays comme la France), eaux, minerais, terres agricoles et constructibles, produits alimentaires. La densification des territoires et la concurrence pour l'accès à ces différentes ressources font augmenter inexorablement les prix.
Les vainqueurs économiques de demain seront les pays qui auront compris cela et qui auront développés des stratégies pour sortir de ces dépendances: diminuer progressivement puis fortement nos consommations de ressources, développer l'économie durable -une économie qui utilise des ressources renouvelables-, voilà les pistes qu'il nous faut explorer:
-réussir la transition énergétique, c'est diminuer les consommations et augmenter la part d'énergies renouvelables. Cela signifie, à terme, sortir d'une balance commerciale fortement et inexorablement négative à cause de la fracture pétrolière. Cela signifie aussi diminuer les factures des ménages paupérisés par le coût croissant de l'énergie.
-Essence, prix des matériaux, congestion des villes, pollutions: il nous faut à terme sortir de la voiture individuelle pour tous, un système de vie, que nous avons généralisé il y a maintenant cinquante ans, mais qui nous ruine! Il faut inventer d'autres systèmes de mobilité qui mobilise le partage des véhicules et la gestion en temps réel de chaque véhicule et de chaque usager.
-un pavillon, deux voitures, des zones commerciales à pertes de vue, ... la généralisation du modèle américain est une impasse: l'artificialisation des sols et l'étalement urbain coûtent de plus en plus cher. Il faut se tourner vers une société qui redensifie les espaces urbains en rehaussant l'existant mais qui en profite pour utiliser des matériaux durables et pour limiter les consommations énergétiques et les dépendances. Il faut se tourner vers des démarches d'urbanisme qui aspirent à l'autonomie: la transformation et la réutilisation des déchets constituent l'avenir.
-des déchets qui brûlent ou qui pourrissent : nous jetons un regard méprisant sur des objets usés dont l'utilité n'est plus. Nous avons été élevé dans une société d'abondance. Or, le prix croissant des matériaux doit nous amener à revoir notre vision d'une économie qui exploite, fabrique puis jette. Un matériau ancien va avoir de plus en plus de valeurs: au fur et à mesure; les ressources vont voir leur prix augmenter, le recyclage de nos déchets va devenir de plus en plus rentable. Nous ne nous débarrasserons plus de nos déchets, nous les revendrons. Nous allons rentrer dans une économie circulaire, devenant le seul futur modèle économique viable.
Cette économie durable est en marche, elle est minoritaire et encore marginale mais il faut la faire grandir rapidement. C'est notre seule porte de sortie, notre seul espoir. Elle n'a que des avantages du point de vue économique : elle diminue la consommation de ressources de plus en plus coûteuses, elle réclame des emplois qui ne sont pas délocalisables, elle nécessite des investissements qui vont permettre de relancer la machine économique.
Nous devons oublier notre nostalgie des hauts-fourneaux et des usines fabriquant des biens de consommation que nous nous empressions d'acheter puis de jeter. nous devons accepter le monde nouveau qui nous tend les bras: celui d'une économie durable qu'il nous faut imaginer, inventer et construire.