One man show écrit et interprété par Jean-François DérecMis en scène par Roger Louret
Le pitch : Si, comme Dérec, - Tu n’utilises que 10% de ton cerveau- Si tu as 3000 amis sur Facebook, mais que tu passes tes week-ends tout seul comme un con- Si tu essaie toujours de jouer du Bob Marley à la guitare, alors que ton fils milite à la droite libérale- Si toi aussi tu préférerais être riche dans un pays pauvre que pauvre dans un pays riche- Si tu es une femme et que tu te demandes pourquoi les mecs bien sont toujours pris- Et si, comme Dérec, tu t’es fait avoir en achetant une machine à painCE SPECTACLE EST POUR TOI !
Mon avis : Alors que, depuis quelques années, on nous balance du stand-up à tout-va et à tous vents, qu’est-ce que ça fait du bien de retrouver un bon spectacle à sketchs ! Lorsqu’un artiste pratiquant le stand-up a terminé son show, il ne nous reste que des impressions fugaces et quelques fulgurances textuelles. On sait qu’on a passé un bon moment ; ou pas. Mais au final on n’en retient pas grand-chose. Alors que lorsqu’un humoriste interprète une dizaine de sketchs on en retient toujours quelques chose car on a rencontré des personnages.
Or donc, Jean-François Dérec, alias Gérard Bouchard, est de retour. Et il en a des choses à nous raconter. Pour cela, il a choisi de jouer la proximité et l’intimité en se produisant la jolie petite salle du BO Saint-Martin (66 places, sièges confortables)… C’est bon de retrouver ce visage unique, taillé à coups de serpe, surmonté de son sempiternel bob rouge. Il nous offre d’abord une sorte de prologue, manière habile d’amener tout ce qui va suivre, c’est-à-dire une douzaine de sketchs dont onze sont totalement inédits.Dès le premier, il ré-endosse son t-shirt de loser sympathique qui se livre à des analyses maladroites des nombreux aléas de son existence. Sa femme vient de le larguer suite à trop de communication. D’habitude, c’est le manque de dialogue qui plombe le climat d’un couple. Là, non. On se dit les choses chez les Bouchard. Mais Gérard est bien trop naïf et désarmé pour savoir se confronter à la logique féminine… Dérec n’a pas son pareil pour mettre la loupe sur ce que la vie peut nous proposer de plus absurde.En toute franchise, j’ai jugé ce sketch comme une sorte de tour de chauffe. Il y a certes déjà le ton Dérec, mais je l’ai trouvé en demi-teinte… Heureusement, dès le deuxième, il change de régime et trouve sa vitesse de croisière. Et tout ce qui suit est véritablement excellent.
Ce deuxième sketch, justement, est peut-être le meilleur. Devenu célibataire, Gérard noue une relation amoureuse avec une véritable intégriste de l’écologie. Ce qui provoque des situations irrésistibles de drôlerie et d’incompréhension. Mais quand on veut séduire, on n’est pas trop regardant sur les concessions. Dérec dresse malicieusement une satire de ce nouveau mode de vie qui repose sur l’obsession de la protection de la nature, de l’économie d’énergie et du recyclage à tout crin. Le cœur et la raison sans cesse en équilibre instable, il nous propose un grand moment de funambulisme.Et, pour notre plus grande joie, la suite va être du même tonneau… Interdit de vous en dévoiler le contenu par le menu pour ne pas gâcher le plaisir de la découverte. Chaque sketch est pratiquement relié au précédent par une subtile passerelle. Au passage, il faut souligner la qualité des chutes. Les chutes sont ce qu’il y a de plus difficile à trouver dans cette discipline du sketch.
Gérard Bouchard va donc vivre de multiples aventures ou expériences. Il va être ainsi amené à accomplir une expédition en banlieue et y découvrir un monde dont il ignore tout des pratiques et des codes… Puis il va connaître des soucis avec sa banque… Comme il se retrouve systématiquement à découvert, il va rechercher un emploi rémunérateur. Pour cela, il souscrit d’abord à une simulation d’entretien d’embauche, ce qui débouche sur un apprentissage absolument hilarant… Après les travaux pratiques, fort de ce qu’il vient d’apprendre, il passe à l’entretien lui-même, et notre amusement monte encore d’un cran… Suite à des fuites malencontreuses sur Facebook, il est amené à consulter un médecin. Mais comme il est dramatiquement hypocondriaque, il en sait plus que le praticien !... Volte-face à 360°, il devient à son tour médecin… A la suite de quoi, Gérard Bouchard reçoit les confidences d’un vieil ami qui fait son coming out. Il s’en suit une conversation truffée de maladresses et de réflexions savoureuses… Et il termine en campant un mec un peu mytho vivant une passion qui dégénère…En guise de rappel, il nous offre son tube, le fameux Téléphone rose, toujours aussi trépidant ; et enfin, il nous fait le cadeau d’un sketch tout nouveau tout chaud sur les méfaits de l’écriture automatique avec les portables…Car le téléphone portable tient un rôle essentiel dans son spectacle. Gérard Bouchard est un homme de son temps, entièrement dépendant de son smartphone. Il est inscrit sur Facebook, il envoie des textos, consulte sans cesse sa messagerie…
Je me suis vraiment beaucoup amusé devant les tribulations de Gérard Bouchard. Non seulement, avec son visage mobile et sa gestuelle cartoonesque, Dérec est un formidable comédien, mais il se double également d’un remarquable auteur. Ses sketchs sont particulièrement ciselés, peaufinés. Cela induit un sacré travail d’écriture en amont. J’en ronronnais parfois de plaisir devant certaines de ses formulations. C’est réellement un très bon one man show qu’il nous livre là.Ainsi qu’il nous le déclare en préambule, il est là pour nous faire oublier nos soucis l’espace d’une heure et quart. Mais à la condition qu’on les récupère à la fin et qu’on reparte avec. Il a assez des siens pour ne pas s’encombrer de nôtres…