Note:
Origines : Canada/France
Réalisateur : Olivier Abbou
Distribution : Roc LaFortune, Sean Devine, Nicole Leroux, Cristina Rosato, Michael Mando, Alex Weiner, Stephen Shellen, Tim Rozon…
Genre : Horreur/Drame
Date de sortie : 8 juin 2011
Le Pitch :
Alors qu’ils reviennent en voiture d’un mariage au Canada, cinq amis se font arrêter à la frontière américaine par deux policiers. Sommés de descendre de leur véhicule, les voyageurs sont rapidement soupçonnés de transporter de la drogue. De manière totalement arbitraire, les deux garde frontières leur font subir un interrogatoire brutal, avant de se résoudre à les emmener en pleine forêt et de les enfermer dans de petites cages. Leur calvaire ne fait que commencer…
La Critique :
Pas évident de se se faire un nom dans le cinéma de genre quand on est français. Nombreux s’y essayent, mais peu arrivent à convaincre durablement. Entre ceux qui prétendent offrir au cinéma français son premier film de zombies et ceux qui ne semblent désirer que choquer à tout prix à grands coups de situations scabreuses riches en hémoglobine, ce n’est pas franchement folichon. Bien sûr, il y a des exceptions et des films comme La Horde de toujours exprimer un amour sincère du genre qu’ils abordent.
Dans le genre justement, le réalisateur Olivier Abbou se démarque. Son Territoires se met en porte-à-faux par rapport à des longs-métrages comme Frontière(s) ou Martyrs. Il ne cherche pas à choquer par l’image, qui n’a jamais recours à des effets cradingues faciles. Et pourtant, il y a fort à parier que d’autres auraient exploité le potentiel sordide du scénario pour mettre en scène des tortures malsaines au possible et autres sévices sexuels exécutés sur les pauvres victimes par des bourreaux à la sexualité déviante. Car oui, le scénario de Territoires est propice à ce genre de trucs.
En illustrant la capture de jeunes américains par deux anciens soldats paranos, revenus du front le crane bourré de préjugés fascistes, Olivier Abbou choisit de se focaliser sur l’impact de son propos. Un choix qui s’avère globalement judicieux tant il rejoint l’école old school qui consiste à miser un maximum sur la suggestion et non sur la démonstration frontale.
On parle donc ici de Guantánamo et des atrocités qui y sont perpétrées. Les deux bourreaux de Territoires recréent en pleine forêt leur propre prison de Guantánamo et organisent toute une série d’interrogatoires violents sur leurs victimes. Des victimes choisies au hasard par les bourreaux, mais pas par le scénario qui cristallise notamment via l’un des personnages, l’islamophobie aux États-Unis. Le propos de Territoires est très sérieux. Très premier degré. Il parle de l’Amérique post-11 septembre et des dommages collatéraux de la guerre en Irak sur les soldats revenus au pays. De la peur omniprésente et de l’ignorance qui peut conduire à la haine des étrangers.
Territoires expose des méthodes de tortures bien réelles, comme lors de cette séquence, où les prisonniers sont exposés à de puissants stroboscopes et à de la musique ultra-violente diffusée à très fort volume. Abbou n’y va pas par quatre chemins et son exposé, choquant à plus d’un titre, (même si visuellement, il reste dans la norme de la discipline), illustre la vision d’un non-américain, de problèmes toujours d’actualité. C’est peut-être justement car Abbou est français que son regard est si brut. Et c’est aussi certainement pour cela qu’il manque un peu de finesse.
Dans son élan, le cinéaste oublie de raccrocher certains wagons à son intrigue parfois bancale. Pas au début, mais plutôt lorsqu’il décide d’inclure un nouveau personnage. L’arrivée de ce détective privé accro à l’héroïne, fait tache. On ne comprend pas pourquoi le film s’écarte de sa trame principale pour suivre une piste hasardeuse qui finit dans le mur.
Il y aussi ces petites incohérences (les tortionnaires n’étant que deux, on peut imaginer des tentatives d’évasion plus nombreuses) et quelques faux pas, mais dans l’ensemble, mais Abbou livre un pamphlet puissant.
Plus modeste que nombre de ses compatriotes qui se sont frottés au film d’horreur, le frenchie lorgne vers des références évidentes (Massacre à la tronçonneuse, Hostel…) mais fait preuve d’une vraie bravoure. Visuellement, son film illustre un réel savoir-faire. Que ce soit, dans les mouvements de caméra ou dans la photographie très pénétrante. Du coup, Territoires, se positionne d’emblée dans le peloton de tête de la production horrifique française.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : SND