Des habitants ont contraint jeudi soir une cinquantaine de Roms à évacuer un campement dans un quartier du nord de Marseille, un mouvement d'exaspération dont les associations craignent qu'il n'aggrave un climat social déjà tendu.
Le Roms, qui avaient pris possession il y a quatre jours d'un terrain vague du quartier Saint-Louis, dans le XVe arrondissement de la ville, ont été obligés de fuir sous la menace des riverains, qui ont ensuite brûlé les restes de leur campement de fortune.
"Les occupants du campement (40 adultes et 15 enfants, 8 caravanes et 13 voitures) ont indiqué
spontanément vouloir quitter les lieux, ce qu'ils ont fait sans délai sous la protection policière, abandonnant sur place les logements de fortune, ainsi que leurs détritus et divers meubles et
encombrants", a dit vendredi la préfecture dans un communiqué. (NDLR : pourquoi ne pas dire les effets qu'ils n'ont pu emporter avec eux ?).
On précise de source policière qu'aucune violence physique n'a été constatée.
Les autorités locales avaient été sollicitées par les riverains pour obtenir cette évacuation mais il leur a été répondu qu'il fallait une décision préalable de justice, ce qui aurait pris du temps.
"Les gens disent que l'Etat ne fait rien et ils passent directement à l'action. C'est ce que l'on craignait le plus", a déclaré à Reuters le délégué régional de la Fondation Abbé Pierre, Fathi Bouaroua.
"Cette situation fait deux victimes : les Roms, qui ont désormais peur pour leur sécurité, et les populations défavorisées qui se trouvent confrontées à une dégradation de leur environnement. La situation est plus que tendue partout dans la ville", a-t-il ajouté.
Le maire UMP de Marseille a dénoncé devant la presse la "surmédiatisation indécente" de la ville qui conduirait à ce que "les gens se croient autorisés à tout régler eux-mêmes".
"Il est clair que la police doit faire en sorte d'empêcher ce genre d'acte. On ne peut pas laisser se constituer des milices, ce n'est pas acceptable", a-t-il ajouté, précisant chercher à "apporter des solutions humaines" à un problème qui est de la "compétence exclusive de l'Etat".
Selon les associations caritatives, cette action ne serait pas isolée.
Au mois de mai, les habitants d'un autre quartier du nord de Marseille avaient violemment pris à partie les militants associatifs intervenant sur un campement à Château Gombert.
"Cette affaire fait suite à des faits récurrents d'agression ou d'opposition entre les riverains et les occupants de campements illicites depuis cet été, démontrant à nouveau la complexité du sujet de ces implantations sur le territoire et l'irritation des populations riveraines qu'elles suscitent rendant parfois les interventions de la police indispensables", confirme la préfecture.
Pour Samia Ghali, maire socialiste des XV et XVIe arrondissements de la ville, "on ne peut pas ajouter de la misère à la misère. Cette situation était prévisible et elle peut toucher d'autres campements".
Les Roms viennent principalement de Roumanie et de Bulgarie, deux pays membres de l'Union européenne accusés par des organisations de défense des droits de l'Homme de discrimination envers cette minorité.
On estime entre 15.000 et 20.000 le nombre de Roms vivant en France, généralement dans des campements insalubres en périphérie des grandes villes. Environ 3.000 Roms vivraient dans les Bouches-du-Rhône, dont la moitié à Marseille.
Le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, a poursuivi la politique d'expulsion du gouvernement précédent.
L'action du gouvernement français à l'égard des Roms est observée attentivement par les défenseurs des droits de l'Homme ainsi que par l'Union européenne qui avait critiqué, il y a deux ans, la politique menée sous Nicolas Sarkozy.
"La seule solution est d'accueillir et d'héberger ces populations dans des conditions acceptables. Aujourd'hui, le sentiment de peur est bien réel", a dit Fathi Bouaroua.
Christophe Madrolle, vice-président de la Communauté urbaine de Marseille, s'est dit vendredi "indigné" face à des actes "favorisés par l'attitude 'pousse-au-crime' de certains élus".
"Pour chasser une population, détruire ses (rares) biens, à cause de son origine, c'est un crime digne d'une triste époque de notre histoire, qui n'a plus sa place dans notre République", déclare l'élu du MoDem dans un communiqué. "Hier, on pointait du doigt les Roms, aujourd'hui on brûle leurs habitations, mais jusque où ira-t-on ? La chasse aux Roms a-t-elle commencé?"
Jean-François Rosnoblet - Le Point
Edité par Yves Clarisse