Une marque de luxe portant le nom d’Aschobi (mot issu de langue Yoruba parlée au Nigéria, Bénin et Togo), créée par une sierra-léonaise et portée par des fashionistas trentenaires de Paris ? C’est un peu l’histoire d’Adama Kai.
Nous (l’équipe Fashizblack) suivons Adama depuis 4 ans maintenant. Elle avait attiré mon attention, à l’époque, grâce au lookbook de sa 1ère collection entièrement réalisée dans son pays d’origine, la Sierra Leone. Même si elle n’avait pas de site web, elle avait au moins pris le soin de poster des images sur le facebook de sa marque ASCHOBI, et contacté les médias susceptibles de relayer son travail. La collection en question était très sexy, urbaine et clairement destinée à une clientèle jeune et tendance. Avec le petit buzz qu’elle a su se créer sur le web, elle a su séduire des investisseurs islandais, qui se sont montrés très intéressés. Quelques semaines après leurs premiers échanges de mails, une représentante du fonds d’investissements s’est déplacée à Freetown (capitale de la Sierra Leone) pour rencontrer Adama Kai. Trois ans plus tard, la jeune créatrice présente une collection durant la Fashion Week de Paris, dans un showroom de la très chic rue Cambon (“Rue Chanel” pour les intimes). Belle success story, non ?
On a eu le privilège, cet après-midi, d’avoir un premier aperçu des créations Aschobi Printemps-Eté 2013 avant le défilé prévu le 6 Octobre prochain.
C’est plus classique, la marque se veut désormais plutôt moyenne gamme voire luxe, avec des pièces pratiques, versatiles et au-delà des tendances. La tranche d’âge visée est donc un peu plus âgée que celle des premières collections. Comme je me tue à le répéter souvent, la mode africaine est en train de devenir de plus en plus compétitive. Prendre quelques bouts de tissus wax pour les coudre sur des t-shirts H&M ne va bientôt plus être suffisant pour se proclamer “créateur”. Il va falloir voir plus loin, être plus organisé, défendre une identité et une esthétique, promouvoir des valeurs.. bref, créer une marque, une vraie. Et une fois que ce moment sera arrivé, comme dans toutes les industries, seuls les plus consistants survivront. Quand on l’écoute parler, on réalise très vite qu’Adama K. a une vision très structurée de ce qu’elle veut faire… et quelque part, ses investisseurs ne l’ont pas dénichée, puis fait confiance, pour rien.La petite leçon à retenir ici est qu’aujourd’hui, nous vivons dans une époque mondialisée où les barrières géographiques tendent à s’estomper. Qui aurait pu croire que des islandais allaient non seulement tomber sur les créations d’une jeune femme de Sierra Leone, mais en plus, financer son projet ? Bien sûr, son cas peut sembler anecdotique. Et je ne dis pas non plus que TOUS les designers africains qui feront un effort dans la mise en valeur de leur travail auront automatiquement des investisseurs à leurs trousses. Mais il s’agit de multiplier ses chances avant toute chose. Et croyez-moi, dans ce domaine, il y a encore ENORMEMENT à faire.
En somme, cette nouvelle génération de stylistes issu(e)s du continent africain avec des ambitions internationales (Adama K., Folake Coker, Lisa Folawiyo..) est en train d’ouvrir des portes pour d’autres et ce sera très intéressant de voir comment les choses évolueront d’ici cinq ans.
Aschobi devrait être bientôt distribué dans une sélection de boutiques à Paris, c’est encore en cours de négociation.