L'autre jour je me suis penché sur le cas de de l'Italie, où l'austérité bat son plein, ou son vide, ou son bide, depuis un an, avec plusieurs tours de vis consécutifs, assortis à des libéralisations censées libérer la croissance captive. Le resultat, comme on sait, est une récession bien plus dure que ce que les chantres de l'austérité – pourtant ceux qui "savent", n'est-ce pas ? – avaient prévu.
Et tout cela est bien documenté, et ne fait même pas débat. Mais ce qui est véritablement tordu, c'est que la véritable explosion des déficits italiens n'inquiète pas tellement les marchés, ni les partenaires européens (c'est-à-dire : Merkel), alors que le but de l'austérité n'est autre que d'éviter les déficits. L'Italie s'endette comme avant, voire encore davantage, mais cela n'a plus d'importance puisque elle souffre, et l'important est de souffrir, car la souffrance rassure la finance.
Voilà, donc, où nous en étions. Mais depuis ce billet, j'ai appris qu'il y avait décifit et déficit, et que cela change absolument tout.
Oui, il y a "déficit structurel" et "déficit conjoncturel", et cela n'a rien à voir.
Voici comment l'explique Mediapart :
Mais, dans le même temps, le premier ministre, qui se rendra mardi devant les députés pour défendre la ratification du traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), trouve au texte concocté par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel une vertu essentielle : celle, justement, de remettre en cause le mode de calcul du déficit en parlant de « déficit structurel ». C'est une notion beaucoup plus souple qui vise à exclure les dépenses conjoncturelles en temps de crise, voire les investissements d’avenir (routes, réseaux de télécommunication, transition énergétique par exemple).
La définition de Frédéric Lordon est sans doute plus claire :
Derrière ce morceau totalement baroque, il y a toute l’incertaine macroéconomie des « soldes structurels ». Très simple à définir vu de loin – le solde structurel est le déficit que l’on constaterait si l’économie était au plein emploi des capacités de production –, le critère TSCG est redoutablement insaisissable quand il s’agit de l’évaluer de près.
On voit déjà l'idéologique pointer son nez. Si je comprends bien, la sécurité sociale serait forcément à mettre du côté du "structurel", car ni nombre de malades, ni le coût de leurs soins ne varient selon l'état de l'économie. Les retraites : même chose. L'assurance chômage, en revanche, pourrait être considérée comme conjoncturelle, puisque le chômage devrait baisser en cas "plein emploi des capacités de production". Sauf que, bien sûr, nous avons le chômage structurel. En voici une explication qui sent un peu l'approche de paradis libéral :
Cette persistence d'un taux de chômage élevé montre qu’il ne s’agit pas d’un chômage keynésien, conjoncturel, qui serait un simple accident de parcours résorbé dès le retour de la croissance. Il s’agit bien d’un chômage structurel, qui reflète toutes les maladies de l’économie française, et ne disparaîtra pas sans réelle réforme de fond (c’est-à-dire une réforme sans commune mesure avec les actions entreprises jusqu’à présent).
Donc des dépenses comme le RSA : structurelles, bien entendu ! Sans parler évidemment des fonctionnaires, de la défense. On finit par comprendre, à regarder les seules dépenses et non le manque à gagner dû à une récession, que tout déficit est effectivement structurel. C'est ce que dit Lordon :
derrière leurs prétentions de parfaite objectivité, les partis pris « métriques » de la Commission tendent à systématiquement minimiser l’écart conjoncturel, c’est-à-dire à proclamer que la presque totalité du déficit est du déficit structurel – à réduire à la schlag, ce qu’il fallait démontrer. Nous tolérerons les déficits conjoncturels, jure le TSCG… sauf que les biais délibérés de ses méthodes de calcul attestent déjà que jamais elles ne détecteront de déficit susceptible d’être qualifié de conjoncturel…
Pour simplifier, il est donc permis (je l'autorise) de dire que le déficit structurel est celui qui va vers de gens : salaires, retraites, indémnités, etc. Tout ce qui est conjoncturel va vers des entreprises : investissements. C'est la même logique qui fait que les entreprises, même celles qui sont profitables, cherchent toujours à réduire leur "masse salariale" mais ne réchignent pas devant de très importants investissements.
Pour un pays, bien sûr, c'est plus compliqué. Donc on revient à la définition de base : les déficits seront tolérés tant que vous montrez que rien n'est dépensé pour alléger la souffrance des gens.