Reconnaissance

Publié le 28 septembre 2012 par Gentlemanw

Hier, après tant d’années, elle a retrouvé son sourire. Elle n’est pas partie ce matin, comme les autres jours, dans un train bondé, sur un quai de gare en plein vent, ou plutôt, elle était au même endroit, mais sa vie a changé. Depuis quelques jours, elle attendait un signe.

Son horoscope, celui de son journal, aussitôt lu, aussitôt jeté, cette presse sans contenu, sans âme, cette alchimie de signes zodiacaux n’avait pas donné de précision, ni en amour, ni pour sa santé, ni pour le travail. Et pourtant elle est  heureuse.

Ce matin, elle a mis cette jupe en lin, récent achat coup de cœur pour son petit porte-monnaie, avec un leggings noir, doucement opaque qui sublimera ses jambes, sa fierté. Elle s’enveloppera d’une tunique en coton blanc, à l’aspect naturel évident, elle a soudainement l’impression d’exister.

Après des années de travail, de respect des règles, d’investissement de sa personne dans ces bureaux, dans cette entreprise, elle devient cadre. Elle saute une étape, elle a reçu la reconnaissance de sa direction pour son travail. Elle n’a jamais compté ses heures, car elle aime ce métier, et pourtant pendant tant d’années, elle a œuvré dans le silence des augmentations, d’un simple merci. Chaque année ce chef appréciait son travail, par un simple déjeuner en équipe, sans effusions, sans discours, sans rien d’ailleurs. Un chef présent pour regarder l’horloge, pour reprocher cinq minutes de retard, oubliant que les transports ont des aléas ou dix minutes trop tôt d’un soir où elle avait un rendez-vous pour son fils, chez le docteur. Le même qui partait en la laissant travailler tard les soirs de rapports annuels, seule ou avec sa collègue, dans un processus de conscience professionnelle, de finition correcte d’une tâche toujours bien accomplie.


Elle avait aujourd’hui ce petit plus, déjà accordé à d’autres mais curieusement plus rapidement à quelques jeunes recrues masculines, à compétences égales. Un façon de consolider le plafond de verre, de le protéger par une avant-garde déjà masculine bien formatée à une différenciation « ancestrale » du statut des hommes et des femmes. Aujourd’hui plus encore sa couleur de peau, sujet de remarques de son ex-chef, avait apparemment disparue, elle devenait la chef de cette équipe.

 

La nouvelle manager, brillante par les diplômes et les expériences, arrivée depuis quelques mois, avait réorganisé l’équipe, et même tout le département. Le chefaillon avait fait une remarque de trop dès la deuxième semaine, à celle dont il avait oublié le statut de supérieur, dans son regard obtu, rabaissant les femmes vers la cuisine et les couches. De ses propos, il avait reçu immédiatement un recommandé et avait été débarqué pour faute grave.

Elle ne jubilait pas de cette situation, elle méritait ce poste, elle était maintenant un peu plus haut dans l’organigramme. Ainsi demain, elle ne favoriserait pas les uns ou les autres, car cette nouvelle génération elle l’espère, aura intégrer l’égalité naturelle.


Quelques premiers pas dans ce hall, pourtant le même que les autres jours, mais aujourd’hui avec ses escarpins, elle a gagné quelques centimètres, une liberté, une féminité assumée.

Nylonement

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