Le plus souvent, dans nos sociétés industrialisées, la sieste revêt une connotation négative. Certains la considèrent comme un comportement lié à la petite enfance et l’assimilent alors à une régression. Pour d’autres, au contraire, elle évoque des signes de vieillissement, une manifestation de paresse, un comportement “culturel”, surtout dans les pays chauds.
On peut considérer la sieste de l’après-midi comme provenant de mécanismes endogènes, régulés par l’horloge biologique (2).
LA SIESTE RÉHABILITÉE
La réhabilitation de la sieste est prônée par de nombreux spécialistes du sommeil. Elle permettrait de réduire les risques d’accidents de la circulation - les statistiques nationales indiquent que la majorité des accidents se produisent au cours de périodes chronobiologiques de somnolence maximale (entre 2 et 5 heures du matin, entre 13 et 15 heures).
Et c’est pendant ces périodes que se comptent les accidents les plus sévères. Pour toute tâche qui exige une grande vigilance et une grande efficacité, une prise en compte et une organisation adaptée à ces périodes de somnolence devraient être mises en oeuvre.
Dans tous les cas, le respect de cette période de moindre vigilance est recommandé que ce soit sous forme de sieste avec sommeil, de pause, même brève, de relaxation, selon l’âge, les activités ou les goûts de chacun (3-6). L’important est de “débrayer” au bon moment !
APPLICATIONS PRATIQUES ET PROPOSITIONS
Le début de l’après-midi est le moment de la journée ou presque tous les êtres humains présentent le minimum de performances intellectuelles et physiques. Cette fatigue “universelle” ne demande pas le même type de récupération selon l’âge et selon les personnes.
Chez les moins de 4 ans
La sieste est pratiquement physiologique. Une tranche de sommeil est un complément pratiquement indispensable au sommeil de nuit. Chez le tout-petit, le sommeil est polyphasique (il se répartit en plages tout au long des 24 heures). Entre 1 et 4 mois, la périodicité jour/nuit se met en place. Les périodes de sieste dans la journée sont encore de trois a quatre vers 6 mois. A 12 mois, l’enfant a encore deux siestes. En général vers 18 mois, ne subsiste qu’une sieste l’après-midi. Ce besoin de sieste, chez la plupart des enfants continue à être réel jusqu’à 4 ans.
L’ organisation des locaux et du temps de sommeil est à prévoir pour tous les enfants de cet âge aussitôt après le repas, et il faudrait que la sieste ne se poursuive pas trop tard dans l’après-midi. En collectivité, l’idéal serait qu’il y ait deux locaux de sieste : un pour ceux qui mangent au restaurant scolaire, et un autre pour ceux qui ayant mangé à la maison, mais n’ayant pas pu faire la sieste puissent avoir la possibilité d’un petit temps de repos.
Des études de Hubert Montagner (7) ont montré que pour les 3-4 ans, la durée de la sieste varie de 4-5 minutes à 130 minutes environ ! L’idéal serait pour les enfants de se réveiller presque spontanément, grâce à des bruits ambiants non agressifs qui leur permettent de sortir du sommeil lorsqu’il redevient léger. Quelques enfants de cet âge n’ont plus besoin de dormir : ils sont rares, mais il faut respecter leur différence !
Chez les 4-6 ans
Chez les 6-12 ans
La récupération de la fatigue chez ces enfants ne passe pas forcément par une demande de sommeil ou de repos, mais plutôt par un besoin de mouvements libres. Chez l’enfant d’âge scolaire, les travaux et les observations faites en chronopsychologie et en chronobiologie donnent des conclusions convergentes “le début de l’après-midi se caractérise par un pourcentage élevé d’enfants somnolents ou en tout cas ayant un faible niveau de vigilance” (7).
“Le niveau des performances chute au début de l’après-midi et augmente ensuite pour atteindre des valeurs relativement élevées vers 15-16 heures” (8)
Après le repas et jusque vers 14 heures-14 heures 30, il serait bon de les laisser libres de créer en toute liberté dans des ateliers par exemple, ou de leur permettre de se “défouler” par des jeux de plein air.
Chez les adolescents
Les caractéristiques du sommeil se modifient peu, de même que les besoins réels de sommeil qu’ils manifestent quand ils peuvent dormir sans contrainte. Mais apparaît une tendance significative à la somnolence diurne, mise en évidence par des tests de latences multiples d’endormissement (TLME) et par leurs témoignages. Il est vrai qu’ils accumulent les risques d’un mauvais endormissement : excitation intellectuelle, anxiété propre à leur état d’adolescent, sédentarité dans la journée, refus de l’heure du coucher imposée. lls sont le plus souvent en dette de sommeil une enquête chez des lycéens de l’académie de Lyon a montré que la différence entre les durées de sommeil en période scolaire et en vacances est supérieure a trois heures pour 24 % d’entre eux (9).
Chez les personnes âgées
Les siestes sont plus fréquentes chez les personnes âgées, surtout chez les hommes. La réapparition du phénomène de sieste chez les personnes âgées correspond à la grande facilité que celles-ci ont à s’endormir le jour. Grâce à des tests itératifs d’endormissement, Carskadon et al ont trouvé que la moitié des personnes âgées de 60 ans à plus de 80 ans s’endorment en moins de 10 minutes contre un quart seulement des personnes âgées d’une vingtaine d’années. Par ailleurs, des réveils nocturnes parfois nombreux liés à des altérations progressives des régulations physiologiques et parfois aussi à une pathologie de type “syndrome des apnées du sommeil” ou “mouvements périodiques des jambes”, créent une dette de sommeil. Cette dette sera récupérée dans la journée, et la somnolence diurne chez la personne âgée risque de se traduire par plusieurs siestes dans la journée, d’autant plus si elle est alitée ou peu active en raison de handicaps mentaux, moteurs et sensoriels.
Certains comportements peuvent améliorer la qualité de la nuit et de la vie :
- se lever à heure fixe, même si la nuit n’a pas été “bonne”;
- se coucher tard, pour éviter de finir son temps de sommeil au milieu de la nuit;
- lutter contre la somnolence de jour, ne se permettre qu’une sieste dans la journée, pas plus;
- conserver ses activités sociales, mentales et physiques permet d’accentuer le contraste jour/nuit c’est une bonne prévention des insomnies et des périodes de somnolence diurne.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
- (1) Dinges D.F., Broughton R.J.
Sleep and alterness Chronobiological, behavorial and medical aspects of napping.
New York: Raven Presse, 1989. - (2) Benoît O., Foret J. et al
Le sommeil humain.
Paris: Masson, 1991 : 232 p - (3) Bouton J.
Réapprendre a dormir.
Paris: ESF, 1991: 136 p. Bons et mauvais dormeurs. Paris: Gamma, coll. “Sciences de l’éducation”, 1971. - (4) Fluchaire P.
La révolution du sommeil
Paris: Laffont, 1984 : 300 p. - (5) Challamel M.J., Thirion M.
Le sommeil, le rêve et l’enfant.
Paris: Albin Michel, 1995 : 368 p. - (6) Comby B.
Eloge de la sieste
Paris: F.X. de Guibert, Ecologie humaine, 1992 : 251 p. - (7) Montagner H., Restoin A., de Roquefeuil G., Djakovic H.
Les fluctuations des rythmes biologiques, des comportements et de l’activité intellectuelle de l’enfant dans ses différents environnements.
Pédiatrie, 1992; 47 : 85-104. - (8) Fotinos G., Testu F.
Aménager les temps scolaires.
Paris: Hachette, 1996 : 288 p. - (9) Patois E., Valatx J.L., Alperovitch A.
Prévalence des troubles du sommeil et de la vigilance chez les lycéens de l’académie de Lyon.
Rev epidem. et santé publique, 1993 ; 41 : 383-88.
Si vous avez apprécié cet article, s'il vous plait, prenez le temps de laisser un commentaire ou de souscrire au flux afin de recevoir les futurs articles directement dans votre lecteur de flux.
Commentaires
Pas encore de commentaire.