[Critique] SAVAGES

Par Onrembobine @OnRembobinefr

Titre original : Savages

Note:
Réalisateur : Oliver Stone
Distribution : Blake Lively, Aaron Taylor-Johnson, Taylor Kitsch, Benicio Del Toro, Salma Hayek, John Travolta, Candra Docherty, Patrick Fourmy, Gary Stretch, Jana Banker, Diego Catano, Shea Whigham, Karishma Ahluwalia, Emile Hirsch, Kurt Collins…
Genre : Policier/Romance/Drame
Date de sortie : 26 septembre 2012

Le Pitch :
Dans leur genre, Ben et Chon sont de véritables cracks ! Et leur genre, c’est le commerce de la marijuana, qu’ils cultivent avec un savoir-faire qui a su leur attirer les faveurs de nombreux consommateurs à travers le pays. Ben et Chon qui mènent de plus avec la belle O, une histoire d’amour triangulaire passionnée. Un jour, leur affaire florissante est convoitée par le cartel de la redoutable Elena. Connue pour ses méthodes expéditives et barbares, cette dernière exige de travailler en collaboration avec les deux hommes qui refusent. De quoi provoquer la colère d’Elena qui décide, afin de faciliter la signature d’un accord, de kidnapper O. S’étant efforcés jusque-là de tenir la violence à bonne distance de leur commerce, Ben et Chon vont devoir passer à l’action pour sauver la vie de leur belle, mais aussi la leur…

La Critique :
Quand, après avoir passé ces dernières années à décrire et à dénoncer mollement les derniers évènements marquant de l’histoire de son pays (le 11/09, l’élection de W, les manigances financières…), Oliver Stone débarque avec un film appelé Savages (Sauvages en v.f.), forcement on tique. On se dit qu’il y a là une petite chance que le chien fou des années 80/90 ait rechaussé ses bonnes vieilles rangers et ait décidé de foutre un bon coup de pompe dans la fourmilière. Pas forcement sur le fond, mais surtout sur la forme. En tout logique, tout laissait à penser que Savages allait nous ramener l’Oliver Stone de Tueurs Nés et de U Turn.
Peut-être conscient du fait que ces dernières œuvres avaient sérieusement plombé l’ambiance en plus d’entacher un tout petit peu son aura de réalisateur culte et burné (observation surtout valable pour World Trade Center), Oliver Stone a décidé d’adapter le roman de Don Wislow. Une façon bien à lui de renouer avec l’odeur du souffre, en illustrant cette histoire pleine de violence et de sexe, prompte à lui laisser les coudées franches.
À l’instar de U Turn, qui reste l’une des plus belles réussites de Stone, Savages ne dénonce rien de particulier, si ce n’est le commerce tentaculaire et perfide de la marijuana et ses conséquences aux États-Unis et au Mexique et la corruption policière. Il s’apparente à une bonne grosse récréation. Une pause dans la réflexion étouffante à laquelle se livre le cinéaste francophile depuis à peu près dix ans. Ceci dit, Oliver Stone n’a jamais vraiment fauté (à part peut-être encore une fois avec World Trade Center qui manquait cruellement de recul), il est important de le signaler.
Ses récents longs-métrages n’ont fait que mettre en sommeil son caractère « punk ». Un renégat à l’origine de quelques-unes des plus belles pages du cinéma américain, qu’il soit à la réalisation, au scénario (Conan le Barbare, Scarface, Midnight Express, L’Année du Dragon…), ou les deux.

Savages arrive à point nommé pour illustrer l’appétit du bougre, qui reste impressionnant. Rameutant une galerie de comédiens, parmi lesquels on retrouve des valeurs sûres et des jeunes loups aux dents longues, le metteur en scène sexagénaire fait parler la poudre et renoue avec une réalisation rock and roll, certes un poil trop maniérée, mais toujours efficace.
Savages ne pète jamais plus haut que son cul et se concentre sur une tache simple : raconter avec un maximum de puissance une histoire elle-aussi relativement directe et franche.
On ne prend pas ici de multiples directions. On a déjà vu ça ailleurs et le film apparaît au final davantage comme une compilation burinée et jubilatoire, que comme une tentative de créer sur des thèmes solides (la drogue, l’amour, la vengeance…), un canevas aux allures inédites.
Oliver Stone n’est pas né de la dernière pluie. Il sait qu’aujourd’hui, au delà du fond, qui se doit d’être cohérent et accrocheur, un film peut gagner aussi à proposer un bel emballage. Une discipline dans laquelle Stone excelle quand il veut bien s’en donner les moyens. Artisan inspiré, Stone ressort ses gimmicks de mise en scène, qui habillent avec classe son long-métrage. Sans ressembler à un spot de pub pour Mtv (c’est le risque quand on sort toute une panoplie de filtres et qu’on joue avec les éclairages), son Savages est classieux. Il s’attache à éclabousser le spectateur lors des fréquentes envolées sauvages et colle aux visages des comédiens.
Des acteurs très à l’aise qui habitent de bout en bout ce pamphlet décomplexé. Les jeunes tout d’abord, qui se retrouvent au centre de l’intrigue, sont tout à fait à leur place. Que l’on parle de la torride et ambivalente Blake Lively, d’ Aaron Taylor- Johnson ou de Taylor Kitsch qui, s’il n’arrive pas à commercialement asseoir sa position à Hollywood (John Carter et Battleship, ses deux derniers films, ont fait un gros plouf au box-office U.S.), prouve au moins une belle audace dans ses choix de carrière. Du côté des « vétérans », on remarque le jeu cruel du plus « savages » du lot, à savoir le charismatique Benicio Del Toro, en plein délire fédérateur, mais aussi Salma Hayek, qui livre une performance magnétique assez impressionnante dans la peau d’une Tony Montana sans foi ni loi. Travolta est aussi très bien et finalement, le seul regret sera la sous-exploitation révoltante d’Emile Hirsch, relégué au second plan. Surtout si on prend en compte son récent coup d’éclat dans Killer Joe, le chef-d’œuvre de William Friedkin.
Une distribution aux petits oignons. Du caviar, pour reprendre une partie de l’une des répliques du film. Alors oui, Stone s’est fait plaisir. Certes documenté, son film tient tout d’abord à prouver l’attitude revêche et relativement bien canalisée d’un artiste qui aime choquer. Pas dans la sens viscéral du terme (pas ici du moins), mais quand même. Quitte à paraître un peu naïf par moment, au point de proposer des scènes un poil cul-cul la praline. Mais ça, on peut le pardonner… Savages porte bien son nom, c’est tout ce qui compte. Il a de la gueule et de la personnalité. Et la personnalité, souvent, fait toute la différence.

@ Gilles Rolland

Crédits photos : Relativity Media