Haute parfumerie
Ensemble, Ernest et Félicie créent pour Caron des fragrances aux noms aujourd’hui encore évocateurs : « N’aimez que moi », « Tabac blond », « Pour un homme », « Fleur de rocaille »… Dans les années 40, Ernest Daltroff émigre aux États-Unis. Sa complice reste fidèle à la parfumerie, dont elle tiendra magistralement les rênes jusqu’à sa mort, à l’âge de 93 ans. Aujourd’hui, c’est Richard Fraysse qui a repris le flambeau. Il continue à signer des senteurs loin des contraintes de marketing ou de budget. Aucune limite créative ne lui est donnée et il sélectionne luimême ses matières premières.Les petites confidences de Richard Fraysse, « Nez » chez Caron
Son grand-père a créé l’« English Lavander », de Yardley, son père « Arpège », de Lanvin… Bref, Richard Fraysse est « tombé dedans quand il était petit », comme il aime le dire. Quant à son fils, il a déjà rejoint l’atelier de création du parfumeur de l’avenue Montaigne. Plutôt « classique » dans ses compositions, le «nez » de Caron avoue sa préférence pour la douceur et la rondeur des fragrances féminines et signe ainsi, parmi d’autres, le voluptueux « Lady Caron ».FEV : Pourquoi associe-t-on le parfum à la séduction ?
Richard Fraysse : Le parfum, c’est le rêve. Et le rêve des femmes, c’est souvent l’amour. Or l’amour passe par la séduction, qui, outre la vue et le toucher, est très liée au sens olfactif. Il faut qu’il y ait beaucoup de sensualité dans un parfum, une chose qui n’est pas facile à traduire en odeur. C’est pourquoi chaque parfumeur à ses goûts et ses propres options de création.
FEV : Quelles sont les essences qui vous séduisent ?
R. F. : Je suis très attiré par ce qui est fruité, comme la pêche, l’abricot, les notes de fruits rouges (fraise, framboise). Ainsi que par les essences florales, la rose, le jasmin, la tubéreuse. J’admets que cette dernière ne plaît pas à tout le monde, car elle possède un parfum très exubérant, étouffant, avec beaucoup d’ampleur. Le symbole parfait de la femme extravertie à mes yeux.
FEV : Croyez-vous qu’il soit possible de créer le parfum par excellence, celui de la séduction universelle comme dans le roman de Patrick Süskind ?
R. F. : C’est le rêve de tout parfumeur, le Graal ! Quand je crée une fragrance, j’espère bien sûr qu’elle va plaire au plus grand nombre. Ce sera peut-être le cas du jus sur lequel je travaille actuellement, un oriental fruité, aux notes assez puissantes, et extrêmement sensuel. Je veux que, tout en restant discret – il n’est pas nécessaire d’agresser le nez des gens –, ce parfum dégage quelque chose de très attirant, d’électrisant même. Ce sera certainement le plus grand parfum du monde ! (rires)
UNE FRAGANCE CACHÉE PENDANT DES ANNÉES : Dans l’intimité de sa boutique boudoir avenue Montaigne, à Paris, Caron dissimule aussi un parfum secret, une collection particulière réservée à des privilégiées. Ce jus gardé confidentiel est aujourd’hui révélé. Son fleuri oriental libère l’éclat du bouquet de fleurs jaunes mêlé aux bois et baumes exotiques. Sobre et racé, dans la plus pure tradition de la prestigieuse maison.
Anne Michels
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