Cette fois-ci, les protestataires n'étaient pas quelques bandes organisées comme les médias aiment à nous décrire les auteurs présumés des débordements violents de ce genre de manifestations. Reuters évoquait toutefois des activistes. Comme en Grèce, où quelque 30.000 personnes ont encore défilé à Athènes et Salonique en marge d'une énième grève générale, des Espagnols de tous âges et toutes conditions se sont durement frottés aux matraques de la police. Comme en Grèce, des milliers de policiers avaient été dépêchés pour contrer la révolte. A Lisbonne, dans le Portugal voisin, des policiers manifestaient contre des policiers.
Plus loin, beaucoup plus loin, en Inde, des ouvriers d'une usine Maruti-Suzuki avaient obtenu une augmentation de salaires de près de 75% après une grève, et des émeutes ultra-violentes. Du sang et des larmes... 500 des 1.500 salariés avaient été virés par la direction. Le directeur de l'établissement avait été lynché.
C'est bien une guerre.
Ces combats-là, dans les rues d'Europe, n'opposent pas les manifestants à leurs vrais adversaires. On accuse la Finance, puisque tous les programmes d'austérité sont menés sous le prétexte de conforter la crédibilité des Etats, et l'objectif de redresser des budgets publics trop déficitaires. Mais la Finance est protéiforme: elle regroupe des prêteurs qui agissent pour le compte de leurs clients, qui peuvent être des particuliers; des traders désintéressés du sort des nations et des usines, des banques centrales aveuglées de rigorisme, des fonds souverains étrangers ravis de renforcer leur influence.
Cette guerre-là peut rester sournoise. En Grèce, comme en Espagne ou au Portugal, les manifestatios peuvent être violentes, elles ne rassemblent pas des millions de personnes. En France, la protestation sociale est quasiment (malheureusement) inexistante. Seuls les salariés, courageux mais isolés, protestent encore contre les plans sociaux ici ou là. Mais la précarité décourage les combattants, disperse les troupes.
Faute de révolte, certains se contentent de sondages. Ou de une sur la menace ... islamiste, belle diversion.
Belle erreur...
Faute d'affrontement direct, les attaques déplacent leur violence contre des intermédiaires - les politiques, nos élus petits et grands. Et le débat, souvent, est rendu impossible par la violence des situations. On qualifie de (socio)traîtres celles et ceux qui défendent le redressement au risque de l'austérité.
D'autres cherchent des alternatives. On les cherchent avec eux.
Mercredi, l'un de ses élus, Claude Bartolone, second personnage de l'Etat après le Président de la République puisqu'il préside l'Assemblée nationale, expliquait que la réduction du déficit budgétaire à 3% du PIB l'an prochain était un objectif intenable sauf à casser la croissance. La déclaration est loin d'être anodine. A droite, l'UMP reste irresponsable: les 3 % sont «tenables, à condition de ne pas aller dans une gabegie de dépenses» a confié Christian Jacob. Gabegie de dépenses ? On oublierait presque que la dégradation des comptes n'est pas due à la seule chute des recettes fiscales pour cause de crise: la dépense publique a progressé de 15% au total entre 2007 et 2011, pour atteindre 1.126 milliards d’euros en 2011!
Cette prise de position fait avancer le débat, même si elle embarrasse le gouvernement.
En France, le chômage poursuit sa progression, pour le 16ème et désespérant mois d'affilée. Au 31 août dernier, la DARES comptait 4,8 millions d'inscrits à Pôle Emploi en recherche active d'emploi (+8% sur un an), dont 3,26 millions sans aucune activité (+9% sur 12 mois)... Parmi les victimes de cette dégradation, les seniors (plus de 50 ans: +17% en un an), et les hommes de moins de 25 ans.
Le même service avait publié le 20 septembre dernier un autre bilan, tout aussi inquiétant et prémonitoire: l'emploi intérimaire a encore baissé au second trimestre 2012, pour atteindre 548.000 postes (-19.000 par rapport au trimestre précédent). Tous les indicateurs étaient négatifs : -0,6% de contrats conclus, -2,2% de volume de travail temporaire en équivalent-emplois à temps plein; -0,6% pour la durée moyenne des missions (pour atteindre 1,8 semaine en moyenne). Les secteurs les plus touchés sont sans surprise l'industrie (-5,4 %, soit -13 600 postes) et la construction (-2,3 %, soit -2 900 postes).
A l'UMP, il n'y eut aucun commentaire.
La perspective que la pauvreté grossisse son contingent de quelques centaines de milliers de ménages supplémentaires, chômeurs en fin de droit et retraités sans retraites pour cause de réforme sarkozyenne devrait en effrayer plus d'un.
Et pas qu'à l'UMP.