Tout gouvernement se doit d’afficher de généreux objectifs en matière de construction de logement sociaux. Madame Duflot (NdVB. Ministre du Logement) a annoncé qu’elle allait renforcer la proportion exigible de HLM au titre de la loi SRU, sous peine d’amendes surmultipliées pour les communes fautives. L’Etat Jacobin entend ainsi interdire à des élus locaux d’envisager d’autres solutions que la construction sociale pour résoudre la crise du logement. Après 50 ans d’échecs en la matière, le pays compte plus de 700 000 personnes sans domicile et 3 000 000 de personnes en logement insalubre (source: fondation abbé Pierre). Ne serait-il pas temps de se demander si le logement social, au lieu d’être la solution, ne serait pas une grande partie du problème ?
(article initialement publié par Atlantico sous signature collective avec Aurélien Véron, Anne Bourdu, Arnaud Dassier, Charles Beigbeder, respectivement président et membres du PLD)
Laissons
de côté les graves erreurs urbaines commises dans les années 50 à 70.
Elles nous laisseront pour des générations les stigmates de plusieurs
centaines de cités pudiquement appelées “difficiles”, où le droit
républicain ne s’exerce de facto plus. Feignons d’admettre pour le
moment que la construction sociale actuelle, empreinte de “mixité
sociale” et d’intégration dans des quartiers existants, évite de
reproduire les même travers. Même sous ces hypothèses favorables, le
logement social reste... anti-social.
Des effets pervers en pagaille
Le
logement social est, par définition, un bien subventionné proposé en
dessous de ce que serait son loyer de marché. Il en résulte
naturellement une demande bien supérieure à l’offre. Depuis plus
de 20 ans, la presse mentionne régulièrement une liste d’attente
supérieure à 1 millions de foyers pour un parc social de 4.5 millions
d’unités. Ce n’est pas le passage de 100 à 120 000 logements sociaux
annuels qui changera la donne. En outre, la subvention est
“encapsulée” dans le logement. Même en affectant de croire que toutes
les attributions initiales soient dénuées de passe droit - ce que
conteste régulièrement la MIILOS (Mission interministérielle d'inspection du logement social) dans ses rapports- les
ménages concernés voient souvent leurs revenus augmenter, mais ne sont
alors jamais priés de quitter les lieux pour laisser la place à des
ménages plus modestes. Les offices HLM ont besoin de ces
ménages bon payeurs de loyers pour équilibrer leurs comptes et produire
de nouveaux logements, et les élus qui président les OPHLM ont besoin...
de leurs voix ! Ceci explique qu’une bonne moitié du parc
social soit occupée par des personnes qui n’auraient rien à y faire,
tandis que des millions de foyers modestes sont condamnés aux taudis. Qui peut prétendre qu’un tel gaspillage de ressources est “social” ?
Ajoutons
que pour conserver les ménages bon payeurs dans leur parc, les OPHLM
leur attribuent les “bons” logements, ceux de la mixité sociale. Les
pauvres ? Les étrangers ? Dans les “cités” ! En 2001, le rapport
Simon-Chafi-Kirzbaum dénonçait déjà ce phénomène, et rien n’indique que la
situation ait évolué. Inutile d’insister sur les innombrables effets
pervers de la formation de ghettos sociaux pour la collectivité. Enfin,
une personne qui a la chance d’occuper un “bon” logement social fait
tout pour le garder, car elle sait que ce sera plus dur pour elle d’en
obtenir un autre. Par conséquent, la détention d’un HLM est un obstacle fort à la mobilité géographique en cas de perte d’emploi. Le fonctionnement du logement subventionné nuit à la lutte contre le chômage. Le système est indéfendable.
Changer de paradigme
Il
existe pourtant un moyen efficace de loger les plus démunis : laisser
faire le marché à condition, bien sûr, de le libérer des verrous qui
l’empêchent de fonctionner, notamment celui du foncier. Les états du
centre du Canada et des USA fonctionnent encore ainsi : tout terrain
étant par défaut constructible, sous la seule contrainte de quelques
règles de bon sens (respect du voisinage et de l’environnement), les
ménages les plus aisés peuvent se construire facilement les logements
correspondant à leur niveau de vie, à des prix restant sages. Résultat,
les logements anciens voient leur prix diminuer, offrant aux ménages à
bas revenus des toits de confort correct à des prix accessibles, et
limitant le besoin d’intervention sociale de la collectivité aux seules
situations d’urgence.
Parvenir à cette situation suppose de
privatiser le logement social actuel. Pour être politiquement
acceptable, une telle opération ne peut se faire qu’au bénéfice de ses
occupants, comme dans les anciens pays de l’est. Comment ? En
transformant leur loyer actuel en mensualité de remboursement des prêts
contractés par les offices HLM pour construire ces logements. Les
occupants modestes de logements en mauvais état, mal situés, ne
paieront presque rien. Ils seront incités à redorer l’image de leur
propriété, au bénéfice des cités difficiles. Ceux qui occupent
un logement neuf très bien situé paieront plus, mais pourront toujours
revendre leur bien et trouver moins cher si la mensualité excède leurs
capacités.
Se débarrasser des mauvais réflexes n’est pas facile,
mais abattre le paradigme dominant du logement social est le seul moyen
d’améliorer durablement et à moindre coût la situation des familles les
plus mal logées.
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Lire également:
Plus détaillé, "le logement social remplit-il sa mission sociale ?"
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