Quand on voit la pièce « Art » de Yasmina Résa, on ne peut pas ne pas penser par exemple au fameux « Carré noir sur fond blanc » de Malévitch. Le tableau ne vaut rien, non, ce qui vaut peut-être quelque chose c’est l’idée de tourner en dérision les recherches sur la perspective. C’est cette intention de l’artiste d’aller renverser un système de représentation qui fait autorité. En cela, le support n’est que la base d’un concept. Il est néanmoins une réalisation de l’art dans le sens où l’entend Descartes : la perfection artistique dépasse la perfection du gâteau de cire produit avec tant de finesse par les abeilles parce qu’il est le produit d’une action pensée et méditée.
Même si je sais cela, je ne puis me résigner à trouver « belle » toute expérimentation du type Malévitch ou Duchamp. Alors, d’où la beauté provient-elle ? Qu’est-ce qui fait que nous trouvions un objet d’art vraiment « beau » et comment se fait-il que Serge proclame que « son Utrios » est « admirable » alors que Marc affirme radicalement qu’il s’agit « d’une merde » ?
Nous sommes (disent les philosophes) tous dotés de ce même clavier d’organes particulièrement sensibles et devrions par conséquent tous pouvoir réagir de la même façon à un objet d’art... Nous sommes tous dotés de cette même raison capable d’exercer son sens critique et ainsi d’admettre avec Hegel qu’il existe des harmonies dans le monde et que l’esprit qui est dans le monde est capable de les retrouver (comme un mathématicien est capable de percevoir les lignes harmoniques ou une abeille construire son gâteau de cire). Nous sommes tous conscients avec le romantique Kant que le Beau est dans la nature et qu’il nous est possible, à travers cette aspiration au sublime, de nous fondre dans ce beau...
Et pourtant, lorsque Marc et Serge se querellent au sujet d’un tableau blanc, nous rions car nous nous y reconnaissons. Le snobisme serait-il plus fort que le sens esthétique ?