Qui est le propriétaire des informations révélées lors d’un examen médical, le professionnel de la santé ou le patient?
Par Vérité Justice
Vous rencontrez un médecin, psychologue, psychiatre et autres professionnels de la santé et un beau jour le contenue de votre dossier médical est exposé à la vue de tous lors d’une procédures judiciaire ou à l’intérieur d’un tribunal administratif ( CLP, CRT , TDP,…)
La propriété physique d’un dossier médical, ou de l’un des documents qu’il contient, appartient à l’établissement de santé qui l’a dressé mais le véritable propriétaire des renseignements, celui qui peut autoriser ou non sa communication, c’est le patient.
Le professionnel de la santé agit lui à titre de fiduciaire des renseignements.
Plusieurs textes législatifs assurent la protection du secret médical et professionnel. Tout d’abord, le dossier détenu par un professionnel de la santé ou par sa clinique privée est soumis aux règles de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé.
De plus, cette reconnaissance législative du caractère confidentiel des informations obtenues par un professionnel est renforcée par une protection quasi constitutionnelle énoncée à l’article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne.
S’ajoute à cela le droit de chacun à sa vie privée. En effet, l’article 5 de la Charte assure une protection contre la diffusion non autorisée d’information propre à la personne
En matière d’accident du travail
En déposant une réclamation à la CSST, le travailleur renonce à la confidentialité de son dossier médical mais il faut bien comprendre que ce n’est pas à l’ensemble des consultations qu’il permet ainsi implicitement l’accès mais bien à celles qui visent la lésion professionnelle et ses conséquences
Regardons un exemple à l’aide d’un dossier qui fut débattu en 2007 devant la Commissaire Carmen Racine ou l’employeur désirait consulter le dossier médical des 10 dernières années de son employé.
[8] Après de nombreuses discussions ayant pour but de préciser et de circonscrire le débat, le représentant de l’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles d’ordonner au travailleur de lui donner accès à ses dossiers médicaux à la Clinique de Verdun, à l’hôpital de Verdun et à la Clinique médicale Physergo et ce, pour deux périodes, à savoir :
- du 31 août 2005, date de la lésion professionnelle, à la date de la demande;
et
-pour les 10 années antérieures à la lésion professionnelle, soit du 31 août 1995 au 31 août 2005.
[9] Or, le travailleur indique qu’il ne s’oppose pas à ce que l’employeur consulte son dossier concernant l’accident du travail et, en conséquence, il signe, à l’audience, une autorisation d’accès à ses dossiers médicaux pour la période du 31 août 2005 à la date de la demande. Il refuse toutefois de le faire pour les dix années antérieures à cette lésion de telle sorte que ce litige reste entier. La Commission des lésions professionnelles en disposera donc dans la présente décision.
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[15] À l’audience, le représentant de ce dernier explique que le travailleur n’est à l’emploi de l’employeur que depuis quelques mois au moment de l’événement, ce qui l’amène à soupçonner l’existence d’un accident ou d’une maladie personnelle au dos antérieure à son embauche. Le but de la requête est donc de vérifier si le travailleur a eu, depuis 1995, une blessure au même siège de lésion, à savoir la région lombaire.
[16] La Commission des lésions professionnelles interroge donc le travailleur à cet égard et celui-ci affirme n’avoir jamais consulté de médecins pour un quelconque problème au dos avant le 31 août 2005.
[17] Il ne veut donc pas donner accès à ses dossiers médicaux avant le 31 août 2005 car il ne voit pas pourquoi l’employeur devrait être mis au courant de ses problèmes de santé personnels.
[18] Le représentant de l’employeur réplique que, en déposant une réclamation à la CSST, le travailleur renonce à la confidentialité de son dossier médical. Celui-ci devient donc accessible à l’employeur. Il concède que sa demande est large et vise l’ensemble des dossiers médicaux et non seulement la partie traitant des problèmes de dos. Il fait une telle demande car il croit que les cliniques ne peuvent procéder à un tel tri. Il précise cependant que tout ce qui intéresse l’employeur est la présence d’antécédents à la région lombaire.
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[21] D’une part, la confidentialité du dossier médical d’un travailleur est protégée tant par la Charte des droits et libertés de la personne2 que par la Loi sur les services de santé et les services sociaux3. La Commission des lésions professionnelles doit donc agir avec prudence avant de permettre la divulgation d’un tel dossier. Elle doit, en l’absence d’autorisation de la personne concernée, soupeser les intérêts qui s’opposent et évaluer la demande en fonction de la pertinence et de l’importance des renseignements sollicités en regard de la question en litige. Or, en l’espèce, le travailleur allègue s’être blessé à un moment précis, à savoir le 31 août 2005, en accomplissant son travail. Le diagnostic retenu est celui d’entorse lombaire et il n’y a, dans l’état actuel du dossier, aucun élément faisant soupçonner la présence d’un problème lombaire antérieur. La demande de l’employeur semble donc non pertinente et disproportionnée par rapport à l’objet du litige.
[22] D’autre part, l’article 38 de la loi énonce que l’employeur a droit d’accès au dossier relatif à la lésion professionnelle subie par un travailleur alors qu’il était à son emploi. Toutefois, comme le mentionne la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Groupe Construction National State inc. et la CSST4, « rien ne permet explicitement à l’employeur d’avoir accès au dossier intégral d’un travailleur impliquant des événements ou des accidents qui ont pu survenir chez d’autres employeurs ». La Commission des lésions professionnelles précise également que « les « parties de pêche » d’un employeur dans les dossiers médicaux d’un travailleur ne sauraient en aucun temps être tolérées et qu’en l’absence d’autorisation par un travailleur, l’accès à son dossier médical par son employeur devrait être limitée [sic] à ce que la loi prévoit, sauf ordonnance contraire de la Commission des lésions professionnelles ». L’accès aux dossiers médicaux d’un travailleur n’est donc pas qu’une simple question de formalité. La Commission des lésions professionnelles peut l’ordonner mais les raisons pour lesquelles elle peut permettre une telle incursion dans la vie privée d’un travailleur doivent être bien établies. Or, la Commission des lésions professionnelles considère que l’employeur n’a pas démontré la nécessité de la preuve qu’il désire obtenir. Sa recherche à l’aveuglette d’antécédents s’assimile à une « expédition de pêche » qui ne peut être cautionnée par le tribunal.
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[25] Ainsi, comme le précise le tribunal dans l’affaire Unimin Canada ltée et Labelle5, la procédure prévue afin de déposer des rapports médicaux à la Commission des lésions professionnelles est la citation à comparaître de l’archiviste concerné à l’audience. Cette citation à comparaître permet à l’archiviste d’amener les documents identifiés et de témoigner à cet égard lorsque autorisé à ce faire par le commissaire en charge du dossier. Cette façon de procéder assure la protection du droit à la confidentialité et du droit à une défense pleine et entière en ce sens que l’archiviste, si le commissaire le juge à propos, pourra ne témoigner que sur les éléments en relation avec la lésion professionnelle tout en taisant les autres éléments personnels. On comprendra qu’un tel tri est impensable lorsque les dossiers sont transmis, sans discernement, à l’employeur.
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