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Suisse: le forfait fiscal (impôt sur la dépense) n'est pas un privilège

Publié le 26 septembre 2012 par Francisrichard @francisrichard

Johnny-Hallyday.jpgLe forfait fiscal n'a pas bonne presse. Les médias, qui se situent pour la plupart à gauche sur l'échiquier politique, en Suisse comme ailleurs, considèrent qu'il s'agit là d'un privilège fiscal.

Avec un bel ensemble ces champions de l'égalitarisme se sont donc réjouis que Bâle-Campagne, dimanche dernier, ait aboli les forfaits fiscaux.

La loi du nombre (61.48% des voix) s'est abattue courageusement sur les 16 bénéficiaires de ce demi-canton, qui, après tout, ne rapportaient chaque année que 1.7 million de francs à l'Etat, soit moins de 2 pour mille de ses recettes fiscales sur les revenus et fortunes ... Ce qui n'est pas trop cher payer un certificat de moralité socialiste en bonne et due forme.

Le peuple bernois, lui, a refusé par 66.50% des voix d'abolir les forfaits fiscaux ce même dimanche dans son canton, au grand dam des médias. Il faut dire que les bénéficiaires y sont au nombre de 230, ce qui pèse un peu plus que les 16 malheureux forfaitaires bâlois... 

Pour se donner bonne conscience les électeurs bernois ont toutefois adopté un contre-projet, qui est la copie conforme de la réforme mise sous toit par le Conseil national trois jours plus tôt:

- le riche résident étranger devra disposer d'un revenu imposable d'au moins 400'000 francs (333'000 €);

- ce revenu imposable sera calculé en multipliant par 7 (au lieu de 5) le loyer ou la valeur locative de son habitation et par 3 (au lieu de 2) sa pension complète s'il réside à l'hôtel.

Ce lot de consolation réjouit tout de même Arthur Grosjean, qui, dans Le Matin ici [d'où provient la photo], au soir du 23 septembre, écrit au sujet de Johnny Hallyday:

"Le chanteur français, qui pensait avoir trouvé un paradis fiscal peinard à Gstaad [qui se trouve dans le canton de Berne], va devoir payer beaucoup plus d'impôt.[...] Johnny va devoir "raquer" environ un tiers d'impôt en plus."

Qu'en termes élégants ces choses-là sont dites! Le terme de "raquer" a d'ailleurs la même étymologie que racket...

La gauche helvétique ne se satisfait cependant pas de l'abolition des forfaits fiscaux obtenue précédemment ici ou là (Zurich en 2009, Schaffhouse en 2011, Appenzell Rhodes-Extérieures et Bâle-Ville en 2012). Elle a lancé une initiative le 19 avril 2011 dont le titre est révélateur: "Halte aux privilèges fiscaux des millionnaires (abolition des forfaits fiscaux)". La date d'expiration du délai imparti pour la récolte des signatures est proche, le 19 octobre prochain.

Cette initiative veut clouer le bec aux cantons récalcitrants en imposant l'abolition par tous les autres. Il faut dire que la gauche est insensible au principe de subsidiarité et qu'elle a pour principal leitmotiv de faire payer les riches, étrangers ou pas, millionnaires ou pas.

Comme je l'ai expliqué dans mon article Forfait fiscal: sera-t-il encore un bon motif d'évasion pour les étrangers ? du 7 mars de cette année, le forfait fiscal est en fait un impôt sur la dépense.

Il ne lèse pas les autres riches résidents suisses ou étrangers (qui seuls pourraient se plaindre) puisque ceux-ci ne remplissent de toute façon pas les conditions exigées pour y être soumis et qui sont contraignantes:

- ne pas avoir résidé en Suisse pendant les 10 ans qui précèdent la prise de résidence et la demande de bénéficier de ce régime;

- ne pas percevoir de revenus d'une activité lucrative en Suisse; 

- être détenteur d'un passeport de l'Union européenne sans condition d'âge ou être un étranger âgé d'au moins 55 ans.


Tout le monde est gagnant:

- les cantons qui accueillent ces évadés d'enfers fiscaux et qui perçoivent des impôts qu'ils n'auraient jamais perçus autrement, permettant dans le même temps de diminuer la charge des contribuables autochtones;

- les acteurs économiques de ces cantons qui profitent des dépenses faites par les forfaitaires;

- et, bien sûr, les forfaitaires eux-mêmes qui sont respectés ici parce qu'ils sont riches, ce qui les change de l'opprobre dont ils font l'objet chez eux.

Le forfait fiscal (impôt sur la dépense) n'est donc pas un privilège, mais une source de rentrées fiscales marginales, sans être négligeables. Il est d'autant moins un privilège que les barèmes d'imposition sur le revenu imposable évalué d'après la dépense sont les mêmes que ceux applicables aux autres résidents.

A la limite le forfait fiscal peut être seulement considéré comme un privilège vis-à-vis de ceux qui, dans les enfers fiscaux d'origine, n'ont pas les moyens de s'en évader. Mais c'est à ces enfers de devenir des paradis et non aux prétendus paradis de devenir des enfers.

Francis Richard

Publication commune avec lesobservateurs.ch 


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