A propos de Quelques heures de Printemps de Stéphane Brizé
Vincent Lindon, Hélène Vincent
En France, dans une ville anonyme de province, Alain (Vincent Lindon), un routier de 48 ans, est contraint à revenir habiter chez sa mère Yvette, après avoir passé 18 mois en prison. Très vite, la cohabitation entre mère et fils s’annonce tendue voire impossible. Tandis que les fantômes du passé resurgissent, que le spectre d’une incommunicabilité entre mère et fils rejaillit, chacun campe sur ses positions. C’est finalement le voisin et proche ami d’Yvette (Hélène Vincent) qui se retrouve à jouer le rôle d’entremetteur et de « recolleur » de morceaux. La découverte par Alain que sa mère est atteinte d’un cancer incurable et qu’elle va bientôt mourir le fera-t-elle changer d’avis ? Alain se rapprochera-t-il enfin de sa mère ? C’est la question qui pend sur toutes les lèvres. Alain inversera-t-elle la trajectoire fatidique de ses relations avec sa mère ?
Difficile de ne pas verser dans l’éloge en faisant la critique de Quelques heures de printemps. Difficile aussi de savoir par où commencer, tant le film abonde en qualités, de la mise en scène au jeu des deux acteurs principaux en passant par le scénario, habilement construit.
Privilégiant les longs plans séquences et les plans fixes, la mise en scène de Stéphane Brizé (Mademoiselle Chambon, 2009) s’en remet presque entièrement au jeu des acteurs en qui elle fait pleinement confiance. Le jeu de Lindon et de Vincent, exceptionnels dans leur mutisme tous les deux, n’en ressort que mieux, pour le plus grand plaisir du spectateur.
Si les plans fixes et les plans séquences permettent à la tension de monter entre les deux protagonistes (jusqu’à l’explosion souvent), ils ont une autre conséquence, celle d’inscrire le film dans un réalisme subtil – le milieu dans lequel Alain et Yvette évoluent est celui d’une classe moyenne de province – à l’image des non-dits innombrables et du silence qui règnent entre mère et fils.
Un chanteur belge célèbre aurait dit que « chez ces gens là, on ne cause pas », et c’est la caractéristique intrinsèque de cette famille : l’incapacité à se parler, à dire les choses autrement qu’en s’aboyant dessus. Une scène dramatique est caractéristique de cet échec de la communication entre mère et fils dans le film, une scène sidérante par la violence avec laquelle Alain s’adresse à sa mère. Dans cette scène, Yvette, par un conseil maladroit à son fils ou du moins qu’il a mal pris, provoque la fureur de ce dernier qui se met à lui crier dessus et à l’insulter jusqu’à quasi l’humilier. Yvette est une veuve taiseuse et endurcie qui s’y prend mal avec son fils, mais a sa décharge, elle n’a pas été épargnée par un mari qui était rude et qui ne semblait pas s’embarrasser des finesses du langage. Les hurlements d’Alain contre sa mère sont à comprendre comme un « pétage de plomb », une manière d’exprimer une frustration contre une vie qui ne lui fait pas de cadeau.
Vincent Lindon, Emmanuelle Seigner
Tel père, tel fils ? C’est la question lancinante qui revient, tant le personnage campé par Lindon semble ressembler à son père, d’après ce qu’en dit sa mère du moins. Buté, Alain est un écorché vif, un personnage endurci par la vie, mais qui s’est replié sur lui-même jusqu’à s’isoler et se crisper. Comme sa mère, il ne parle pas, cache tout sur lui et sur son passé à une femme qu’il a rencontré et qui s’est pourtant éprise de lui (Emmanuelle Seigner). En un mot, Alain ne pense qu’à se protéger mais en restant silencieux, ne fait que s’enfermer davantage.
Cette carapace qu’il porte ne craque jamais. Peut-être se fissure-telle un peu à la fin du film, quand dans un long plan fixe sublime et émouvant, un face-à-face de plusieurs minutes entre Alain et sa mère, Alain regarde fixement et sans un mot sa mère qui va mourir, avant de s’écrouler dans ses bras.
Le film traite ainsi d’un sujet qui fera débat ; l’euthanasie. Dans Quelques heures de printemps, Yvette souhaite mourir par un « suicide assisté » et légal en Suisse, mais son choix va à l’encontre de la médecine. Seul son fils respectera son choix de mourir. Un choix discutable, mais pas pour l’intéressée.
Rarement en tout cas, Lindon, pourtant habitué des rôles de personnages poignants de classe moyenne, aura incarné un personnage aussi émouvant et rentré en lui-même, aussi hermétique aux gens qui l’entourent et qui lui veulent du bien pourtant comme le voisin introverti d’Yvette (Olivier Perrier), secrètement amoureux de cette dernière, ou la jeune femme incarnée par Emmanuelle Seigner.
Tout cela est subtilement et pudiquement décrit chez Brizé – non sans un certain humour parfois – avec nuance en tout cas et un art de la suggestion qui font tout le sel de ces Quelques heures de printemps. Par la finesse de sa mise en scène, Brizé parvient à éviter l’écueil du pathos qui lui tendait pourtant grand les bras. C’était sans compter sur les prestations magistrales de Lindon et Vincent, rehaussées par les compositions originales de Nick Cave et de Warren Ellis. Que demander de plus ?…
http://www.youtube.com/watch?v=6pw4EwIJXFs
Film français de Stéphane Brizé avec Vincent Lindon, Hélène Vincent, Emmanuelle Seigner (01 h 48)…
Scénario de Stéphane Brizé et Florence Vigneron :
Mise en scène :
Acteurs :
Dialogues :
Compositions de Nick Cave et Warren Ellis :