Un texte écrit et interprété par Daniel PicoulyMise en scène de Marie-Pascale OsterriethDécors de Pierre-François LimboschLumières de Laurent Castaingt
Le sujet : Comment devenir Proust ? Pourquoi les filles sont-elles la plus mauvaise raison de lire ?... Qu’est-ce que la « somptueuse médiocrité » de nous ? Faut-il lire les Livres de Poche par ordre de numéros ? Par quel mystère ce qu’on écrit est génial le soir même et nul le lendemain ? Est-ce vrai qu’il n’arrive d’histoires qu’à ceux qui savent les raconter ? Vous gagnez combien ?Des questions auxquelles un écrivain se prépare à répondre en attendant des élèves… qui n’arrivent pas.Mais la vraie question est de savoir pourquoi il se retrouve debout sur le bureau, les mains sur la tête, et veut tuer son instituteur !C’est qu’il revient pour la première fois dans la classe de ses 10 ans ; il en a 60 et revit une humilation qui a contribué de faire de lui un écrivain.Cet écrivain, c’est Daniel Picouly…
Mon avis : C’est bizarre, j’ai lu à propos de ce spectacle des critiques peu enthousiastes, voire franchement sévères (Le Figaroscope, evene.fr, Fous de théâtre) et d’autres bien plus positives (Pariscope, L’Express, Froggy’s delight)…Bien sûr que Daniel Picouly n’est pas un comédien ! Il est même bien moins bon que son presque homonyme sous le nom duquel on l'apostrophe régulièrement, Michel Piccoli… Ce n’est même pas à proprement parler une surprise. On ne s’improvise pas comédien à 63 ans. Et alors… Qu’est-ce qu’on est venu voir et, surtout, écouter au Tristan Bernard ? Un type connu et reconnu en tant qu’écrivain, qui nous raconte son enfance et le pourquoi et le comment il s’est lancé dans l’écriture.
Honnêtement, j’ai passé un très bon moment. Daniel Picouly est un diésel. Son moteur commence vraiment à bien tourner au bout d’un quart d’heure. Au début j’ai été un peu gêné par son ton monocorde et j’avais parfois du mal à saisir ce qu’il disait lorsqu’il marmonnait. Mais ce moment d’inquiétude a été progressivement dissipé, et plus il narrait, plus je m’intéressais à ses propos et plus je prenais de plaisir à l’écouter. Le texte – c’est naturel - est à la hauteur de son écriture. Il utilise un langage clair, précis et imagé. Il a en outre un tel art de la formule qu’on a envie d’en retenir certaines pour les resservir ensuite en société (par exemple ce conseil pour peaufiner son style : « On doit écrire en amant et se relire en mari ! »)
Daniel Picouly compense largement son manque de métier en matière d’art dramatique par une grande élégance et un charisme indéniable. Il occupe bien la scène, sait donner de la vie à ses souvenirs. Il a la nostalgie souriante, le réalisme ludique. Et il donne aussi à réfléchir sur l’incidence que peut avoir la maladresse d’un pédagogue sur l’avenir d’un enfant d’une dizaine d’années. Lui, il a su faire de son humiliation son moteur. Mais combien, suite à ce genre de condamnation péremptoire, seront découragés et, marginalisés, deviendront des laissés-pour-compte ? C’est tout de même une sacrée responsabilité.
N’en déplaise aux esprits chagrins, La faute d’orthographe est ma langue maternelle est un monologue très plaisant. Il est remarquablement écrit et l’on sourit très souvent à certaines évocations. Franchement, il y a pire comme pensum…