« Renégocier le traité budgétaire européen » était une gageure parce que cela remettait en cause la parole de la France et nos alliés européens n’étaient pas décidés à l’accepter. C’était également freiner une plus grande intégration dans un processus unitaire pour faire de l’Union Européenne un État fédéral.
Ramener le déficit de nos finances publiques à 3 % fin 2013 est techniquement possible en augmentant les recettes, autrement dit l’effort des contribuables, et en diminuant les dépenses, mais à quel prix dans une période où la croissance sera proche de zéro ? Les conséquences sur le marché du travail dont le gouvernement entend faire sa priorité sont connues : pas d’investissement des entreprises donc pas de création d’emplois. Reste ce qu’avait fait le gouvernement de Monsieur Jospin : créer des emplois subventionnés… par quelles recettes ?
On peut faire la liste des chantiers urgents que doit engager la nouvelle équipe (éducation que l’O.C.D.E. pointe du doigt, logement dont les déclarations de Madame la Ministre ne provoquent pas l’enthousiasme, comptes sociaux dont la Cour des Comptes souligne la dérive inacceptable, suppression des niches fiscales…..), toutes ces réformes sont nécessaires, mais risquent, si elles sont mises en oeuvre, de bloquer tout le système et de décourager les seuls créateurs de richesses, à savoir les entreprises. On peut gloser sur la polémique suscitée par l’affaire Arnault après celle concernant Peugeot, elle souligne une fois de plus la difficulté qu’a notre pays à vivre avec ses entrepreneurs et l’incapacité de choisir entre une économie libérale raisonnée et une économie dirigée dans un contexte où la concurrence fiscale de nos voisins rend la France moins attractive. D’un côté, on reproche à la première fortune française de garantir son patrimoine et par tant la création de richesses ; de l’autre on reproche à l’un des fleurons de l’industrie automobile de n’avoir pas su faire comme ses concurrents et s’ouvrir davantage aux marchés émergents. Tout cela, c’est la face émergée de l’iceberg, le pain quotidien du journaliste d’opinion qui nous sert la soupe pour assurer la sienne et permettre à son actionnaire (Dassault, Bolloré, Lagardère, Bouygues) de continuer à prospérer….
Mais s’il y a un domaine dans lequel rien ne change malgré les promesses, c’est les pratiques de nos élus qui ne sont pas prêts à abandonner leurs privilèges, en premier lieu celui de cumuler les mandats . Comment peut-on faire confiance, pour engager les réformes qui peuvent et doivent l’être, à des gens qui ne sont pas capables de tenir des engagements personnels ?
Et nous revenons, parce que ce débat est fondamental, à ce qui nous motive depuis de nombreuses années : la réforme des institutions sans laquelle aucune autre réforme ne sera possible. Remplacer un capitaine d’industrie par un autre n’est pas si aisé, car il ne suffit pas d’avoir fréquenté telle ou telle grande école pour devenir un génial manager. Nos entreprises en ont fait la triste expérience (Thomson, Bull, Elf, Vivendi…), par contre il n’est plus tolérable de continuer à élire des gens comptables de nos suffrages qui ne tiennent pas des promesses faciles à tenir et qui ne font pas ce pourquoi ils ont été élus.
Certains invoquent les difficultés du moment et la proximité avec leurs concitoyens, d’autres se disent pragmatiques et attendent une éventuelle future loi pour changer. La commission Jospin va rendre ses conclusions dans quelques semaines, fera la énième proposition de moralisation de la vie publique et donnera bonne conscience au nouveau chef de l’État qui pourra se targuer d’avoir tenu une promesse qui n’engage que lui et ne le concerne plus.
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