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Appel à communications :
« La traduction favorise la compréhension entre les peuples et la coopération entre les nations », lit-on dans les actes de la conférence de Nairobi organisée par l’Unesco en 1976. On se figure volontiers la traduction comme un pont permettant de passer d’une « langue source » à une « langue cible » comme on se rend d’une rive « de départ » à la rive « d’arrivée ». Conciliatrice en apparence, cette représentation ne risque t-elle pas de favoriser l’instrumentalisation identitaire des langues ? La traduction est-elle un moyen de bâtir des arches de concorde ou bien de sécuriser des tracés de frontières ? Les langues semblent, en effet, sommées d’assurer une ligne de partage entre « soi » et « l’étranger », de préférence en épousant les frontières des états nations. La métaphore du pont préserve de rassurantes oppositions et garantit des dualités pratiques, mais elle tend à escamoter les ruptures langagières ou, pire encore, à les consolider en objets théoriques. Dans un contexte de « débat » sur « l’identité nationale » et de rétablissement des frontières européennes, il y a peut-être une forme d’urgence à modifier cette représentation de l’acte de traduire. Sitôt dissipée l’illusion du pont, on s’aperçoit que la traduction ne se réduit pas à un passage ni à un transfert d’une langue source vers une langue cible. Elle semble plutôt réactualiser, à un autre point du temps, le battement d’une énonciation dont l’origine étrangère est la marque d’une désassurance, d’une incertitude, car ce battement ouvre une brèche dans les langues, dévoile leurs stratifications et leurs lignes de faille. Il est impossible, dès lors, de concevoir « la langue » comme une entité stable et indivisible. « Traduire sans papiers », ce n’est pas chercher l’équivalent linguistique de cette expression en anglais ou en inuqtikut : c’est se donner pour tâche de penser la traduction dans sa dimension la plus subversive de mise en crise des identités. Résolument international et transdisciplinaire, ce colloque est ouvert à de multiples propositions. Parmi les pistes possibles, on peut mentionner de manière non exhaustive : − L’analyse des marques spécifiques du texte traduit. Qu’est-ce qu’une énonciation traduisante ? L’examen concret des textes est nécessaire pour ramener la théorie de la traduction à sa nature d’expérience : il s’agit d’élaborer une véritable pensée-pratique, seule à même de rendre compte de l’évènement qu’est la traduction. Ramenée à l’échelle microscopique des indices de l’énonciation, la distinction entre texte « original » et texte traduit s’avère épineuse. Qu’en est-il des cas limites qui semblent relever d’une tératologie de la traduction : pseudo-traductions, textes faussement bilingues, traductions sans originaux ou encore textes simultanément sources et cibles ? − Comment lit-on un texte traduit ? C’est à dire, indissociablement, à qui s’adresse t-il et comment ? Où situer l’instance d’énonciation d’une traduction ? Vient-elle s’ajouter ou bien se substituer à l’énonciateur initial ? La situation du traducteur n’est pas sans évoquer le texte de Gayatri Spivak, Can the Subaltern Speak ? Y a t-il un risque d’usurpation, de parole soufflée en traduction ? D’autres approches des textes, comme celle de l’anthropologie esquissée par Karin Barber, nous permettent d’avancer dans cette interrogation. − L’exploration de l’historicité des traductions. La traduction est fondamentalement intempestive. Elle donne le mouvement des traditions et en accompagne la déhiscence. Il ne s’agit pas de lisser le devenir diachronique de la traduction mais de localiser les télescopages entre les textes et entre les pratiques. Le « contexte » semble rester extérieur au texte comme le ferait un contenant neutre. Dans quels termes saisir les circonstances qui participent de la trame du texte, de son grain et de la manière dont il s’adresse à ses coénonciateurs ? Peut-on montrer que le court-circuit de la traduction rend brusquement lisibles les circonstances particulières du texte de départ ? − Les politiques linguistiques. Les événements de traductions ne sont pas indépendants de leurs conditions de possibilité - décisions éditoriales, moyens financiers, etc. D’ordinaire, l’importance octroyée à la traduction résulte des politiques linguistiques. Pourrait-on, à l’inverse, imaginer d’autres formes de politiques à partir de la traduction ? Envisagé selon cette perspective, l’intraduisible se déleste de sa dimension métaphysique pour apparaître sous un autre jour : ne donne t-il pas à lire une forme de résistance ?Les propositions de communication sont à envoyer à dayre@orange.fr et à myriam.suchet@ens-lyon.fr