La critique documentariste de Borat
Réalisé en 2010, Waking Sleeping Beauty (plus ou moins traduit par "la vieille beauté endormie", référence volontaire à La belle au bois dormant) est un documentaire réalisé par Don Hahn, grand collaborateur des studios Disney. Il travailla notamment sur Qui veut la peau de Roger Rabbit?, La belle et la bête, Le roi lion et Le bossu de Notre Dame. Ayant vu les différentes difficultés du studio depuis son entrée, il s'est dit que de le montrer au monde n'était pas une si mauvaise chose étant bien placé pour le faire. Le film débute de la fin des années 70 au succès du Roi Lion. Malheureusement, Hahn n'a pas évoqué la réelle période noire de Disney à savoir l'actuelle. Car à mon humble avis et malgré que les années 80 n'ont pas été percutante, elles n'ont tout de même pas été pire que la période de crise que supporte le studio depuis la fin des années 2000 avec son lot de grosses bouses (Kuzco, La ferme se rebelle, Chicken Little, La Planète au trésor, sans compter ces suites de merde à des classiques ou pas qu'elles sortent au cinéma ou en DVD) ou de films dispensables (La princesse et la grenouille, Volt, Dinosaure...), au point que la filière Pixar a complètement dégommé l'empire aux grandes oreilles.
Une époque souriante? Pas si sûr...A la limite, une suite à ce documentaire plébiscité ne serait pas de trop. "Du triomphe à la décadence" serait un bon titre. Mais bon, revenons à nos moutons. Le plus étonnant derrière ce documentaire c'est que malgré le dézingage ambiant, la déprime montrée des équipes et les échecs successifs de la compagnie; il est diffusé par Disney! La preuve avec le DVD français en ma possession distribué par la firme. Dans les visages connus qui apparaissent tout du long, on reconnaîtra Michael Eisner, grand manitou du studio pendant des années; Jeffrey Katzemberg, sous-fifre d'Eisner pour pas longtemps, directeur de l'animation et futur créateur de la filliale animation de Dreamworks; Roy Disney, neveu de Walt; John Lasseter, futur créateur de Pixar; feu Joe Ranft, futur scénariste de Pixar; Don Bluth, futur réalisateur du Petit dinosaure et la vallée des merveilles; Tim Burton encore tout jeune; feu Howard Ashman, compositeur de La petite sirène et La belle et la bête; le compositeur Alan Menken; Elton John compositeur du Roi Lion; ainsi que les réalisateurs phares de cette période comme Ron Clements, John Musker (Basil détective privé, Aladdin), Rob Minkoff (Le roi lion), Gary Trousdale et Kirk Wise (La belle et la bête).
Hahn nous présente le problème comme ceci: le départ de plusieurs collaborateurs de Don Bluth et de lui même crée un bordel incroyable à Disney. Les vieux animateurs allaient partir en retraite et passer le relais à de jeunes fraîchement diplomés. Mais sans l'ami Bluth, vieux briscard très apprécié, la fracture risque d'être dur à cicatriser. Rox et Rouky sera le film du lancement de la seconde génération, ceux qui sont censés mettre en place le deuxième âge d'or de Disney commencé par Les aventures de Bernard et Bianca. Autant dire que le studio se prendra une belle branlée au box office avec ce film bof dans l'ensemble malgré un côté sombre assez inhabituel avec la marque de Mickey. Mais le coup suivant sera bien plus rude encore. Katzemberg, fraîchement débarqué dans l'affaire, se voit poster sur le rang animation du studio et prend donc en charge Taram et le chaudron magique. Il fera donc couper un bon paquet de scènes aujourd'hui impossible à dire si elles renforçaient la qualité du film ou intensifier le côté sombre de ce Disney à part. D'ailleurs je ne sais plus si c'est sur ce passage ou un autre, mais Joe Ranft arbore des tonnes de dessins tout simplement déchirés car n'étant pas dans la vision de Katzemberg. Ce fut notamment le cas de la quasi-totalité des travaux de Tim Burton et une des raisons pourquoi il a arrêté l'animation.
En attendant, Taram se fera dérouillé à tort par la critique et le public et encore maintenant il est considéré comme le vilain petit canard de Disney. Tout est donc à refaire et le virage heroic fantasy de déguerpir pour celui du film policier. Ainsi, Clements et Musker entre en scène pour réaliser Basil, détective privé. Le succès reviendra mais Disney se fera voler par Don Bluth et son Fievel et le nouveau monde. Le revers de la médaille en d'autres termes. Les ateliers Disney changeront de décor mais Oliver et compagnie fera encore moins bien. Le film suivant sera beaucoup plus désisif. En adaptant le conte d'Andersen, Disney revient à un genre qu'ils avaient délaissé depuis La belle au bois dormant. Pour la musique, Howard Ashman est engagé et son travail sera déterminant pour le reste du projet. Hahn n'hésite pas à montrer que Katzemberg voulait supprimer la chanson Partir là bas, soit la chanson phare du film, la trouvant inappropriée. Une décision vivement critiquée et qui sera vite supprimée. La petite sirène sera un immense succès, le premier d'une nouvelle lignée de grands succès successifs. Si la suite des aventures de Bernard et Bianca fait un four malheureux, il permet d'installer les premières techniques par ordinateur dans les studios. La belle et la bête remettra les pendules à l'heure.
Ashman apprend alors à Menken qu'il est atteint du sida. Il finira les chansons mais n'aura qu'ébaucher celle d'Aladdin. Il meurt en plein succès le 14 mars 1991 et obtiendra un Oscar et un Golden Globe post-thume pour la chanson La belle et la bête. Contre toute-attente, le film obtient un succès encore plus grand que celui de La petite sirène et obtient même le Golden Globe du meilleur film musical ou comique ainsi que la nomination aux Oscars dans la catégorie meilleur film. Une première pour le cinéma d'animation qui reviendra bien plus tard pour Toy Story 3, qui n'obtiendra pas non plus la récompense. Rebelote une nouvelle fois avec Aladdin mais étrangement, Hahn ne parle jamais des problèmes avec Robin Williams bien que l'on peut voir des images de lui en train de jouer le Génie. Rappelons que l'acteur avait été très déçu que sa part du contrat stipulant que son personnage ne soit dans aucune bande-annonce n'avait pas été respecté. L'étrange noël de Mr Jack est légèrement évoqué tout comme certaines productions Disney et notamment celles de la branche Touchstone.
Puis c'est l'heure du réhaussement définitif: Le roi lion. Pour ce film, Katzemberg s'investie beaucoup plus que d'habitude, des lions sont même montré aux dessinateurs pour prendre la pose à l'image des faons pour Bambi. Au départ, les animateurs ne se sont pas vraiment emballé par le film, préférant travailler sur Pocahontas... mais ils se sont vite rétractés. Rajoutez à cela une bande-originale signée Elton John et Tim Rice et vous obtiendrez le dernier plus gros carton du studio que ce soit sur son territoire ou dans le monde. Le film s'arrête sur ce triomphe qui confirmait la rapide renaissance au box office de la firme créative de Walt Disney. Après cela, on nous précise que Katzemberg s'est barré du studio, conscient qu'il n'avait plus sa place et faisant une entourloupe au studio à l'image de Don Bluth en créant son propre studio. Ce qui a provoqué la colère de Michael Eisner le grand manitou qui a fait remonter la pente de Disney avant de la foutre en l'air dans des conditions déplorables. Ce qui fait la richesse de ce documentaire c'est que même au niveau des interviews des protagonistes ou des archives, tout est dit sans langue de bois. C'est pour cela qu'il est à voir absolument, les coulisses de l'intérieur montrées par Hahn étant tout simplement fascinante. Une sorte de tragédie shakespearienne tant on sent la créativité et le pouvoir dans les faits montrés.
Un documentaire indispensable pour les fans de Disney et montrant les dessous d'une remontée spectaculaire dans les cimes du succès.
Note: 18/20
ce documentaire a vraiment l'air passionnant: j'en prends bonne note en tout cas