Brillant numéro 1 européen du transport aérien, le groupe Lufthansa, lui aussi, a de sérieux soucis : son réseau régional perd beaucoup d’argent et tous les efforts déployés jusqu’ŕ présent pour le redresser ont donné des résultats décevants. D’oů la décision de trancher dans le vif, de créer une filiale low cost, basée ŕ Cologne/Bonn, qui alignera initialement une flotte de 90 avions, actuellement exploités sous les couleurs, notamment, de Germanwings et Eurowings. La nouvelle compagnie –c’en est bien une—n’a pas encore été baptisée. Il n’est d’ailleurs pas impossible qu’elle s’appelle tout simplement Lufthansa, ou Lufthansa Express, ce qui éviterait au groupe de devoir installer une nouvelle identité commerciale.
Contrairement ŕ Air France, qui prépare avec une extręme prudence le Ťrassemblementť de Britair, Régional et Airlinair, les dirigeants de Lufthansa ont choisi d’agir trčs vite. Il est entendu, en effet, que la nouvelle entité sera opérationnelle dčs le 1er janvier prochain. Son réseau comportera les lignes intérieures actuelles du groupe et celles dites de point ŕ point. En d’autres termes, seuls les services court-courriers actuellement assurés depuis Francfort et Munich resteront dans le giron de la maison-mčre, avec un rôle confirmé d’apport de clientčle vers le long-courrier.
Peu d’informations sont actuellement mises sur la place publique et il n’est pas possible de cerner, pour l’instant, le sens véritable, l’acception de l’expression low cost attribuée ŕ la future filiale. En revanche, il ne fait évidemment aucun doute qu’il s’agit lŕ d’une contre-attaque de grande ampleur dirigée contre Ryanair, EasyJet et quelques autres, Air Berlin n’étant pas nécessairement au centre des préoccupations de Lufthansa. Cette mission de premičre importance a été confiée ŕ une valeur montante du groupe, Oliver Wagner. Sa maničre de procéder sera évidemment suivie avec la plus grande attention.
Ce sont moins les grilles tarifaires que la méthode, en interne, qui fera l’objet de toutes les attentions. Il s’agit, en effet, de mettre en place une entité nouvelle, au sein du groupe et en faisant appel ŕ des moyens humains et opérationnels existants. C’est-ŕ-dire une opération ŕ hauts risques ŕ propos de laquelle les syndicats ne se sont pas encore exprimés. Mais ce n’est plus une premičre au cœur de l’Europe aérienne, notamment depuis le démarrage d’Iberia Express.
Lufthansa agit ainsi aprčs avoir constaté qu’il lui est maintenant impossible d’équilibrer les comptes de ses lignes courtes. Comme d’autres, elle est prise entre deux feux, c’est-ŕ-dire des coűts opérationnels proportionnellement trčs élevés, d’une part, la concurrence féroce des grandes low cost, d’autre part. Et il s’avčre difficile de réagir avec efficacité, comme en a témoigné, par exemple, l’échec de Lufthansa Italia : une preuve de grande réactivité commerciale, sur un marché potentiel qu’Alitalia ne contrôlait plus, mais en sous-estimant la puissance de feu d’EasyJet. Et, dans ce contexte, Air One, encore fragile, n’a pas fait le poids.
Dans l’hypothčse oů Lufthansa ne réussirait pas ŕ mener sa contre-attaque au succčs, ce qui est loin d’ętre impossible, la leçon serait amčre pour l’ensemble des compagnies traditionnelles. Elle confirmerait la victoire des low cost, celles de l’ELFAA (European Low-Fare Airlines Association), prčs de 200 millions de passagers par an, hors outsiders, en męme temps que s’installerait pour longtemps une nouvelle répartition des forces en présence. Or, cette fois, c’est le grand savoir-faire allemand qui entre en scčne.
Pierre Sparaco - AeroMorning