Une équipe multi-universitaire, dirigée par l'Université de Cincinnati, dans la ville précolombienne de Tikal, a pu identifier un nouvel aménagement paysager Maya grâce aux fouilles, aux sédiments carottés et à la cartographie.
Le plus grand barrage construit par les anciens Mayas d'Amérique centrale a ainsi été découvert.
Les fouilles révélant le barrage. Une porte d'écluse effondrée est entouré en rouge.
Ce barrage, construit avec des pierres découpées, des décombres et de la terre, s'étire sur près de 80 mètres de longueur et 10 mètres de haut. Il pouvait contenir 88 millions de litres d'eau dans un réservoir artificiel.
Ces découvertes sur l'utilisation des terres et de l'eau par les anciens mayas à Tikal, au du Guatemala, ont fait l'objet d'un article dans Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS): "L'eau et l'utilisation durable des terres dans l'ancienne Ville tropicale de Tikal, au Guatemala."
L'étude apporte un nouvel éclairage sur la façon dont les Mayas conservaient et utilisaient leurs ressources naturelles pour subvenir aux besoins de la population d'une société très complexe sur plus de 1500 ans, malgré les défis environnementaux, dont des sécheresses périodiques.
Le document a été rédigé par Vernon Scarborough, professeur d'anthropologie à l'Université de Cincinnati (UC), Nicolas Dunning, professeur de géographie à l'UC, l'archéologue Kenneth Tankersley, professeur assistant d'anthropologie à l'UC et de nombreux autres intervenant.
À partir de 2009, l'équipe a été le premier groupe nord-américain autorisé à travailler au cœur du site de Tikal, en plus de 40 ans.
D'après Scarborough, "L'objectif global de la recherche est de mieux comprendre comment les anciens Mayas subvenaient aux besoins de la population de Tikal qui comprenait peut-être 60.000 à 80.000 habitants et jusqu'à cinq millions dans l'ensemble des basses terres mayas en 700 après JC. C'est un nombre beaucoup plus élevé que ce qui peut être supporté par l'environnement actuel. Ils ont donc réussi à couvrir les besoins d'une population pendant plus de 1500 ans dans une écologie tropicale. Leurs besoins en ressources devaient être importants, cependant ils n'ont utilisé que des outils et des technologies de l'âge de pierre pour développer un système sophistiqué de gestion durable afin de prospérer."
Un système de collecte de l'eau sophistiqué.
La collecte et le stockage de l'eau étaient critiques dans un environnement où la pluviométrie est saisonnière et où les sécheresses prolongées ne sont pas rares.
Ainsi, les Mayas ont soigneusement intégré l'environnement bâti (vastes places, routes, bâtiments et canaux) dans un système de collecte et de gestion de l'eau.
A Tikal, ils recueillaient toute l'eau tombée sur les surfaces pavées et/ou plâtrées vers des réservoirs artificiels. Par exemple, la plaza plâtrée de la ville et les surfaces des cours et des canaux ont été inclinées afin de diriger et de retenir les eaux de ruissellement des pluies dans ces réservoirs.
En fait, au cours de la période classique (250-800 après JC), le barrage (appelé Barrage Palais) identifié par l'équipe a été construit pour contenir les eaux provenant des nombreuses surfaces plâtrées de l'enceinte centrale.
C'est sur cette digue que l'équipe a concentré ses fouilles, achevées en 2010. Ce barrage-poids représente le plus grand monument architectural hydraulique connu dans la région maya.
Au niveau de la Méso-Amérique, c'est le deuxième plus grand en taille après l'énorme barrage Purron construit dans la vallée Tehuacan au Mexique entre 250 et 400 après JC.
Saïd Scarborough précise: "Nous avons également appelé le Barrage Palais à Tikal le Barrage Chaussée, car le sommet de la structure servait de route reliant une partie de la ville à l'autre. Pendant longtemps, il a été considéré comme un simple pont-jetée. Cependant, notre étude a montré qu'il faisait double emploi et qu'il a été utilisé comme un important barrage réservoir et comme pont-jetée."
Une autre découverte faite par les archéologues.
Afin de purifier l'eau de ruissellement qui s'écoulait vers les réservoirs via les différents canaux, les Mayas ont positionné des "bacs à sable" qui servaient à filtrer l'eau qui arrivait dans ces réservoirs.
"Ces lits de filtration sont composés de sable de quartz, qui n'est pas naturellement présent dans la grande région de Tikal. Les Mayas parcouraient au moins 30 kilomètres pour obtenir le sable de quartz nécessaire aux filtres à eau. Cela témoigne de la valeur qu'ils accordaient à l'eau et à sa gestion", a déclaré Nicolas Dunning.
D'après Ken Tankersley, "Il est probable que cet ensemble de systèmes de réservoirs et de déviation de l'eau a permis une adaptation et une résistance sur une longue période. Cela a pu contribuer à ce que Tikal et quelques autres cités puissent survivre aux sécheresses périodiques alors que de nombreux autres sites ont dû être abandonnés en raison du manque de pluie."
D'après le paleoethnobotaniste David Lentz: "la gestion de l'eau par les Mayas comprenait l'irrigation, cela a eu un impact direct sur le nombre de personnes qui pouvaient être nourries et donc sur la croissance globale de la population. Par conséquent, il est essentiel de comprendre l'ensemble des canaux et des réservoirs de Tikal, où l'eau était conservée pendant la saison sèche annuelle et contrôlée pendant les mois pluvieux. Ces pratiques ont permis à Tikal de soutenir des densités de population relativement élevées pendant plusieurs siècles. Ce système de réservoirs était en grande partie tributaire de la pluviométrie pour se recharger. Avec l'apparition des sécheresses au 9ème siècle, l'approvisionnement en eau a diminué, engendrant une baisse des ressources et un stress du tissu social de la civilisation maya de Tikal. Cela pourrait bien avoir contribué à l'abandon de la ville."
Ce qui est significatif pour Scarborough et son équipe, ce sont les leçons potentielles qui peuvent être tirées de l'identification d'un réseau hydrographique comme celui de l'ancien Tikal: "la gestion de l'eau dans le contexte antique peut être rejeté comme moins pertinente à notre crise actuelle de l'eau en raison de son manque de sophistication technologique. Néanmoins, dans de nombreux endroits du monde d'aujourd'hui, les besoins en énergie pour le simple fait de pomper et filtrer l'eau, afin de la rendre potable, relèvent du défi. Les régions tropicales sont d'autant plus compliquées en raison de fortes concentrations de maladies infectieuses véhiculées par les réseaux hydrographiques. Les anciens Mayas, cependant, ont mis au point un captage des eaux de pluie intelligent et un système de répartition par le biais de réservoirs en hauteur. Distribution et eau potable étaient des préoccupations liées au développement dès le début de cette civilisation."
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