Bastiat l'avait montré, en économie il y a ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas. François Hollande ferait bien de s'en rappeler.
Par François Lenglet, dans Le Point.
Subventionner les prix du carburant, comme l'envisage le gouvernement pour tempérer la hausse du pétrole ? L'avantage, quoique modeste, est immédiat pour le budget des ménages. Mais, si le consommateur paie moins, c'est le contribuable qui prendra la relève : 1 centime de moins sur le prix du litre, c'est plusieurs centaines de millions d'euros d'impôts - ou de déficit - en plus. Dans le même temps, le gouvernement projette de mettre en place une fiscalité écologique, pour inciter les ménages et entreprises à réduire la consommation en énergies fossiles. L'argent prélevé avec les "impôts verts" servira donc, indirectement, à subventionner l'essence. C'est-à-dire à faire grimper la consommation en énergies fossiles. S'il y avait un championnat mondial de l'usine à gaz, nous aurions ici un bon candidat pour le podium. Usine à gaz à effet de serre, cela va de soi.
Créer des emplois publics pour les jeunes ? Là encore, le bénéfice immédiat est réel, pour occuper les armées qui s'épuisent à l'entrée du marché du travail à force de chômage et de stages. Mais, parallèlement, le gouvernement veut supprimer les allégements de charges sociales dans le secteur privé. Pour trouver de l'argent, on va donc augmenter le coût du travail, au risque de détruire des emplois. Ce qui se voit : quelques dizaines de milliers d'emplois créés dans le public. Ce qui ne se voit pas : quelques dizaines de milliers d'emplois supprimés dans le privé, au fil des prochains trimestres."Vous comparez la nation à une terre desséchée et l'impôt à une pluie féconde, écrivait Bastiat. Soit. Mais vous devriez vous demander aussi où sont les sources de cette pluie, et si ce n'est pas précisément l'impôt qui pompe l'humidité du sol." Voilà une adresse fort contemporaine.
À dire vrai, le martyre posthume de Bastiat n'est pas plus douloureux sous la gauche que sous la droite. Les mânes de notre économiste oublié ont été fort malmenés par le quinquennat Sarkozy et son feu d'artifice de mesures fiscales contradictoires. Quel que soit le président, en France, on s'attache d'abord à ce qui se voit, au détriment de ce qui ne se voit pas. Le mythe des "cent jours" aggrave encore ce travers : comment peut-on espérer raisonnablement redresser le pays en trois mois, sinon avec des mesures symboliques, donc superficielles et improductives ? Qui pouvait croire de telles fariboles ?
Pour lire le texte de Bastiat (cité par Lenglet ci-dessus) sur votre Smartphone, cliquez ici :
---
Article paru initialement dans Le Point, mis en ligne sur le site de Damien Theillier.
- "Ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas", 1850. ↩