Grenades (Bonheur des )

Grenade : premier fruit domestiqué par le premier jardinier avec la figue, le raisin, se reproduisent facilement et fidèlement par bouture, se conservent bien secs (arilles sèches), phénoménales vertus pour notre santé.

A la différence du raisin, l'autre fruit de l'automne, la grenade (maturités étalées de septembre à décembre) est amplement inconnue.
La grenade c'est un monde.


Κόρη, servante présentant une grenade

Il y a d'abord sa sensualité, sa beauté, à maturité sa peau est humaine : il en existe des multitudes de variantes, couleurs, piquetages, luisant.
Des roses tendres, peau souple sur une chair tendue, avec des formes de belles filles, et des outrances morphologiques.

le fruit vieilli comme nous, il devient riches de saveurs, sèche, se durci, se resserre sur lui même
La moitié des grenades vendues aux USA ne sont jamais mangées.
Elles sont regardées

Le bonheur de les ouvrir (complexité qui fait penser à notre propre corps) est celui d'une découverte patiente, initiatique,
Il y a ensuite les textures et les goûts.
Les textures vont du grain mou à peine sensible sous la dent aux grains durs, très durs parfois.
Un fruit, un légume, un condiment, n'existe que par son usage et cet usage oriente la sélection.
Grain dur, consommation des arilles sèches, des graines mixées et pulvérisées en poudre rouge condimentaire de l’Himalaya .
Grenades de bouche à grain mou, bonheur sucré des pasteurs du désert sec, acidulé dans les contreforts ventées d'Asie centrale.



De même les goûts : de l'acide très acide (pH 2 au plus bas) au doux, sucré (Brix 20°). Les acides comme vinaigre, les acido-savoureuses pour la mélasse...
Des saveurs de prune, de mûres d'arbre, de fleur (rose, jasmin), d'herbe, de caramel, de cerise...
Enfin les couleurs, jus blanc opalescents à rouge noir sang.
Chaque culture a ses grenades : douces moles rouges en Inde, sub-acides et nuancées en Iran du sud, faciles à égrener en Espagne, gros grains lumineux en Italie, rouge somptueux en Tunisie...
Tout cela était la vieille culture du moyen orient et de la méditerranée.



Il y a aussi l'incertitude, des milliers de variétés nommées, par leur origine, leur couleur, leur qualité, des milliers de variétés connues, reproduites, (c'est le cas ici, il y a les grenades du "Pomar Grande", celles d'Antonio Rosa Abrantès...) mais des nommées répertoriées moins, 1500 ou 2000.
Car la grenade dans la vieille culture, c'était un bonheur pas un produit.
Vient la modernité : dramatique réduction du monde de la grenade et du savoir les manger.
Une grenade Wonderfull, américaine, grosse, belle, sans personnalité, pas bonne, tout pour les yeux, apte à faire du jus.
Quelques autres pour la table, bonne Mollar, l'espagnole, celle de Gabès, les turques aussi, beaux fruits.
Et toutes les autres l'énorme biodiversité des vergers aux étés chauds disparaît inexorablement.



La cuisine de la grenade est donc inconnue des grandes tables actuelles, inconnu des chefs, un grand pan des plaisirs de bouches (7000 ans de présence sur les tables méditerranéennes) sombre dans l'oubli complet




C'est pourquoi nous constituons à LOF une collection de grenades à fruit la plus éclectique possible.
Travail extrêmement difficile et long – il ne s'agit pas de faire une banque génétique mais un verger pour le plaisir des sens, avec des fruits –.
Nous ne sommes qu'à 75 variétés, 120 arbres... (la collection nationale américaine est 200)
Déjà exceptionnel pour l'Europe.
Nous estimons qu'un échantillon représentatif du monde de la grenade fruitière est 200 cultivars.
Comme les agrumes.
Déjà la récompense est fabuleuse, tant de goûts, de plats, de beaux fruits. Déjà le chef Vincent Farges déglace ses canards avec Sogdiana.
Sogdiana la lumière de Boukara