“…en inventant une métaphysique de l’obéissance, une neurocratie qui permettrait de frôler le zéro absolu du politique…” Gilles Châtelet dans “Vivre et penser comme des porcs”
Ce que dit l’édito du Monde, au-delà de la demande de démission des ministres écologistes du gouvernement, c’est que toute chose aujourd’hui doit passer sous l’implacable toise de l’Europe. De l’idée de l’Europe. Que le seul signifiant pour lequel un journal de référence verserait son sang, s’incarne dans cette super structure technocratique. Après avoir perdu beaucoup d’illusions, quotidiennes, politiques, professionnelles, il ne reste plus pour la presse que ce devoir unique, obsessionnel, total : l’Europe. Sous toutes ses formes puisque c’est l’idée que l’on s’en fait qui compte. Cet acharnement compulsif à échafauder des thèses oiseuses, des logiques bancales afin de faire ingurgiter des chapeaux garnis de couleuvres aux citoyens. Attitude maniaque qui confine à la religiosité du missionnaire, à ce que l’on peut qualifier de croisade idéologique.
Christopher Dombres
A. Leparmentier qui a passé un quinquennat à renifler le fondement du Sarkozysme s’est assez peu ému de certains débordements, voire de défoulements de ce régime. Satisfait de chroniquer «côté jardin» à l’Elysée, l’idée de démission au sein du gouvernement de N. Sarkozy (et de F. Fillon de temps à autre) ne lui a que très rarement effleuré l’esprit pour ne pas dire jamais. Aujourd’hui, avec la gauche il vient claironner la cohérence, le caporalisme gouvernemental sur un sujet ultrasensible, la ratification d’un traité négocié avant l’Élection de F. Hollande par N. Sarkozy et A. Merkel. On ne se défait que très difficilement de ses objets transitionnels.
Pour le journal de référence (et ses sous-fifres), un outrage à l’Europe, entendre la possibilité d’émettre une critique sur un traité engageant le pays sur la voie de l’austérité occupe hiérarchiquement une place supérieure aux propos de soudards d’un ministre de l’intérieur concernant les civilisations. On s’en est offusqué, certes, un peu, de là évoquer une mise à l’écart ce serait exagération.
On veut faire rendre gorge aux insiders, revêches à la grande idée unificatrice de la presse (pas du continent). À ceux à qui on a ouvert les palais, et qui trahissent. C’est en formation très serrée que les petits soldats de Bruxelles se sont à l’unisson lancés dans une opération de harcèlement pour faire plier C. Duflot. Avec deux objectifs, un mineur, qu’elle renie ouvertement son parti, signe ostensible que voter contre l’Europe constitue une aberration. L’autre majeur, qu’elle déguerpisse, et retrouve ses ouailles, repoussant ce parti aux marges du gauchisme populiste. Le cercle de la raison ne peut se permettre de tolérer en son sein le moindre embryon de scepticisme pour cette idée magistrale.
On se fiche bien de la cohérence de C. Duflot ou de P. Canfin. De la supposée ambition ministérielle qui leur ferait renier des engagements qu’ils n’ont peut être jamais eus. Comme si le retournement de veste, l’ambition, le carriérisme n’étaient que l’apanage d’écologistes. Des pratiques inexistantes au Parti socialiste ou à l’UMP. Ce qui importe véritablement, c’est l’édification de piloris. De force de symboles sur la place publique pour bien signifier qu’il est formellement interdit de sortir des bornes coercitives de l’idée européenne.
Il faudra écouter B. Cazeneuve, ministre chargé des affaires européennes, qui pencha pour le “non” en 2005, débonder robotiquement le mot “croissance” pendant dix minutes sur l’antenne de France Inter pour juger de la folie du mécanisme qui se met en place. Avec comme point d’orgue de sa diatribe, le totalitaire “il n’y a pas de “non” fondateur”. On en vient à se demander quelle force pousse ces Hommes à dire de telles inepties. Quels processus sont à l’œuvre pour basculer si brutalement dans cette neurocratie, où il est interdit de dire NON.
Vogelsong – 25 septembre 2012 – Paris