Quand le vent automnal sonne le deuil des chênes,
Je sens en moi, non le regret du clair été,
Mais l’ineffable horreur des floraisons prochaines.
C’est par l’avril futur que je suis attristé ;
Et je plains les forêts puissantes, condamnées
A verdir tous les ans pendant l’éternité.
Car, depuis des milliers innombrables d’années,
Ce sont des blés pareils et de pareilles fleurs,
Invariablement écloses et fanées ;
Ce sont les mêmes vents susurrants ou hurleurs,
La même odeur parmi les herbes reverdies,
Et les mêmes baisers et les mêmes douleurs.
Maintenant les forêts vont s’endormir, raidies
Par les givres, pour leur sommeil de peu d’instants.
Puis, sur l’immensité des plaines engourdies,
Sur la rigidité blanche des grands étangs,
Je verrai reparaître à l’heure convenue -
Comme un fantôme impitoyable – le printemps ;
Ô les soleils nouveaux ! la saison inconnue !
Éphraïm MIKHAËL (1866-1890).
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