On s'en doutait, mais c'est une confirmation, l'histoire du bug de Facebook affichant les messages privés sur la time-line publique ne repose sur aucune preuve sérieuse. Ça n'a pas empêché que ce bobard soit propagé d'abord de Facebook à Metro, journal d'investigation bien connu, puis de Metro au Monde et à Libération, journaux sérieux s'il en est.
J'ai repris l'un de chemins de propagation de cette nouvelle sur le soi-disant bug. Au départ, Metro publie un article sur le sujet du bug Facebook et cite comme référence une copie d'écran d'un utilisateur de Facebook, un certain Giorgio Kam's. Il faut savoir que tout cela se passe au moment du déploiement en France de la fameuse "Timeline’s global rollout", qui classe les infos par année et permet de remonter très loin dans le temps. Alors qu'elle était réservée avant à une partie des utilisateurs Facebook, cette fonctionnalité est désormais ouverte à tous. Des milliers de gens découvrent alors les messages publiés sur leur wall en 2008 et 2009 notamment. Techcrunch a rapidement fait un sort à cette blague. Mais les mythos et les naïfs ne parlent pas anglais, on dirait.
Mais comme cette vanne partagée plus de 3000 fois ne tient pas debout, il souffle sur le feu avec maladresse. Les commentaires de ce post sont très intéressants, à cet égard. Quand on lui demande des preuves (des copies d'écran, par exemple), il noie le poisson d'avril. Quand on insiste, il dramatise : c'est vrai, quoi, pourquoi douter, mécréants que l'on est, quand le couple est en jeu :
Quand le Figaro reprend son info pourrie, via Metro, je le répète, il triomphe et publie le lien, pour clouer le bec à des détracteurs de plus en plus sceptiques.
Mais on n'a toujours pas vu le début de l'ombre de la queue d'une preuve. Et pour cause : il a détruit les siennes, pas de bol. Du coup, j'interroge mon réseau. Un ami Facebook qui me dit que ça lui est arrivé et qu'il s'est empressé de détruire le message en question. Une autre amie Facebook me confirme, parle de numéros de téléphones publiés. Mais impossible de savoir si c'est des infos publiées par erreur sur le mur, comme ça arrivait souvent en 2008 et 2009. Ou bien des messages privés, car curieusement, elle ne les retrouve pas dans sa boite de réception. C'est du velours pour le faussaire : pas de traces, pas de preuves, des naïfs pour confirmer et masquer leur incurie. Et les seules preuves qu'on pourrait avoir sont détruites.
Et quand un certain Pablo Asencion Guillen met le nez dans le caca à Giorgio-les-bons-tuyaux, à savoir que ce sont des messages publiés sur le mur par des gens qui ne se rendaient pas bien compte, à l'époque, il assène l'argument massue :
Ok d'accord, mais où sont les preuves des centaines (pourquoi pas des millions...) de personnes en question ? Rien, nib, macache ! Tu es obligé de le croire parce que "des dizaines de ses amis" lui ont dit, que ça été repris par Metro, puis par le Monde, le Figaro, Libération et peut-être même le Pape et le dalaï-lama qui pourtant ne tweete jamais mais là il a piqué une gueulante dans son ashram.
Evidemment, le communiqué de Facebook tombe dans l'indifférence générale. De toutes façons, ils cachent le truc, c'est des bandits qui pillent les données perso. Ils en ont mis un temps fou à répondre. Ils ont pris une gamelle mérité en Bourse. Et en plus, à ce qu'on dit, Zuckerberg est juif, ce qui prouve bien que c'est voulu, tout ça, ma bonne dame, on est peu de choses, allez, vous me mettrez aussi une botte de poireaux.
Résultat des courses : Metro a été intronisé journal sérieux grâce à un article reprenant les informations foireuses publiées sur le compte Facebook d'un mythomane. Le Monde, Le Figaro et Libération, les télés et d'autres ont relayé une info sans preuves, juste histoire de remettre une couche sur la tronche à Facebook, qui n'est plus en odeur de sainteté depuis que Twitter est total hype dans les médias. Le plus drôle date d'aujourd'hui sur le blog du CM du Monde : ils ont lancé un appel à témoignages. Le résultat enchante moyennement le rédacteur :
Devant un tel déversement de bêtise amplifiée, il ne reste qu'à citer Raymond Devos puis Mark Twain :
- «En multipliant rien par une fois rien... c'est rien. Deux fois rien... c'est pas beaucoup ! Mais trois fois rien, c'est déjà quelque chose.»
- «Un mensonge a donc fait le tour de la Terre le temps que la vérité mette ses chaussures.»