La pression à gauche monte sur François Hollande. Dagrouik l'exprime très bien :
[Hollande] passe donc de AAA en AA- , AA- avec perspective négative. Pourquoi donc ? Bien sur on observera quand les textes de lois seront votés, les décrets.. Les fameux détails que personne ne veut voir. Par exemple, le principe de la taxe à 75% est garanti, mais on regardera les détails techniques. ..
Sur le fond les premiers signaux ne rassurent pas : rien sur le statut de la BCE (cf déclaration de campagne: elle doit financer les états au lieu des banques), le TSCG qui devait être rénégocié (et soumis à referendum selon les députés PS) et quel fut le message envoyé aux grecs sur le perron de l’Elysée avec Merkel a coté: “faites des efforts”.
Qu’on le veuille ou non c’était sur le fond le même message que Sarkozy. Seule la forme change, y’a moins de coups de menton et moins d’agressivité dans le propos, mais celui-ci reste identique. les resultats de tout ça sont connus en Grèce.
En plus de la règle d'or qu'il va falloir avaler, on savait déjà que les 120 milliards de croissance n'étaient plus ou moins que symboliques. Le 75% a du mal à émerger.
C'est décevant, mais inévitable.
Pourquoi ?
Raison numéro un : le PS.
Le PS n'a jamais été un parti révolutionnaire. Le PS post-mittérandien ou, si l'on veut, post-tournant-mittérandien, et surtout le PS depuis Jospin, a accepté la lecture dominante de l'économie, lecture "libérale" peut-être, lecture surtout délestée de la référence marxiste. Le rôle du PS, de ce PS là, est d'apporter des nuances, d'arrondir les angles. Son rôle n'est pas de modifier en profondeur le terrain de jeu.
Le PS était comme ça avant l'élection de François Hollande. François Hollande était comme ça avant son élection. Il a été élu, mais lui et le PS restent à peu près les mêmes.
Raison numéro 1,1 : Lionel Jospin
François Hollande ne représente pas la rupture avec le jospinisme. Lionel Jospin n'a pas joué un grand rôle pendant la campagne présidentielle, et il n'a pas été beaucoup question de l'héritage jospiniste. A la différence du Jospin de 1997, cependant, Hollande n'a pas revendiqué un droit d'inventaire sur son prédecesseur.
Le jospinisme représentait une modernisation du socialisme, mais qui vite virer vers la complaisance vis-à-vis du CAC 40 et, surtout, sous l'influence surtout de DSK, vers une acceptation totale de la loi et la logique de la finance. Pour finir, en 2002, avec "mon programme n'est pas socialiste".
Raison numéro 2 : Mélenchon (etc.)
Après cette critique d'un PS qui s'accomode très bien du grand consensus financier des années 1990 et 2000, vous vous dites : "ah, il va sortir du bon vieux gauchisme maintenant, du Mélenchon ou assimilé".
Eh bien, non.
Mélenchon et ceux à sa gauche ne disent pas que des bêtises, ont souvent des analyses intéressantes, mais, pour ce qui est de l'action politique réelle, ce n'est qu'une sorte de numéro de catharsis collective. En réalité, la pensée politique de la gauche-gauche ou extrême-gauche traditionnelle est morte, en termes d'action politique, c'est-à-dire : comment aller du point où nous en sommes aujourd'hui, avec les innombrables contraintes de notre situation, vers une situation B qui sera en accord avec nos idées de gauchistes. (En version boutade : Hollande n'a jamais dit qu'il serait Chavez ; Mélenchon ne sera jamais Chavez ; Chavez ne serait pas Chavez s'il ne pouvait pas tout financer avec le pétrole.)
Cette "option" n'en est plus une, mais sert seulement, au mieux, à animer une position critique, au mieux à occuper un terrain, s'occuper d'un groupe de consommateurs du gauchisme labélisé 100 % pur.
Raison numéro 3 : Oui et non
Habituellement, nos journalistes voudraient, pour expliquer ce qui se passe à gauche, tout ramener au référendum sur le TCE, avec ses ouïstes et nonistes. La crise actuelle montre bien à quel point cette analyse n'a plus de sens, alors que la question de l'existence même de l'Euro a failli vraiment être posée, et qu'un "non" effectif et véritable a failli frapper la Grèce.
Raison numéro 4 : que reste-t-il ?
Après avoir brûlé à peu près tous les points à gauche, on constate que le point de vue, de gauche, qui pourrait s'opposer au conformisme moribond sans partir dans des fantasmes néo-marxistes, politiquement parlant, n'existe pas. Bien sûr, il ne manque pas d'individus avec des perspectives intéressantes, de choses à dire sur le sujet. Roosevelt 2012 est l'une des tentatives les plus abouties, et affiche une volonté réelle de passer du stade des analyses et des idées à l'action concrète. Mais, malheureusement, combien de divisions médiatiques ?
Et voilà le vrai problème de la gauche molle comme on l'aime, et pas seulement française : pendant dix ans nous sommes restés dans l'idée d'une modulation, forcément mineure, du consensus financier mondial. Aujourd'hui que ce consensus se fissure, on ne peut qu'être frappé par l'absence de propositions des gauches, acceptant timidement le dogme de l'austérité.