A la fin du mois d’août, avec un certain nombre de camarades et d’amis, nous avons publié Terres de Gauche, abécédaire des radicalités concrètes. J’y signe deux contributions. Je vous ai déjà fait partager la première sur les Kolkhozes, j’ai aussi écrit sur la question des quartiers populaires vus d’un point de vue urbanistique. A toutes fins utiles, l’ouvrage Terres de gauche, abécédaire des radicalités concrètes est disponible sur commande auprès des éditions Bruno Leprince.
Les quartiers populaires, qui sont aujourd’hui ravalés aux périphéries de la France, constituent l’avenir de nos villes. Bâtis à plat ou en hauteur, ils concentrent une population certes précaire la plupart du temps mais créative, ingénieuse, solidaire. Rien de durable ne se bâtira sans les quartiers populaires. Au contraire même, c’est bien grâce à eux que nous pourrons construire l’avenir de nos villes. Cela nécessite juste de réinscrire ces quartiers dans nos villes et de leur rendre l’attractivité qu’ils méritent.
Depuis des décennies, les quartiers populaires sont envisagés comme des problèmes. Problème de précarité économique et sociale des habitants, problèmes du bâti, problème de l’inclusion de ces quartiers souvent périphériques (mais pas uniquement) dans le tissu urbain. Nous raisonnons bien rarement en termes d’atouts dès lors qu’il s’agit des quartiers populaires. Alors que !
Mais revenons sur ce qui définit un quartier populaire. Ce n’est pas, malgré l’imagerie véhiculée par les médias, le bâti. Il est des quartiers populaires à plat (habitat collectif de faible hauteur, bientôt zones pavillonnaires) ou en hauteur (« cités » HLM voire même résidences locatives privées ou encore co-propriétés comme c’est le cas avec Grigny II en Essonne) ; des quartiers populaires périphériques ou en cœur de noyau urbain (la Goutte d’Or à Paris). Le bâti n’est pas forcément un élément identifiant. Ce qui marque le quartier populaire demeure sa population : une population bien souvent paupérisée ou en voie de l’être, précaire la plupart du temps. Elle a cru à l’habitat populaire comme zone de transition vers la propriété immobilière individuelle et se retrouve, la crise passant, coincée dans un cul de sac. L’autre souci bien concret auquel sont confrontés nos concitoyens vivant dans les quartiers populaires reste qu’il s’agit souvent de zones à fonction unique : l’habitat. Quasiment pas d’activité génératrice d’emploi, des commerces en voie de disparition, des services publics qui quittent la place. On pourrait résumer d’une caricaturale « la République n’y est plus représentée que par les voitures de police et l’école élémentaire ».
Pourtant, les quartiers populaires ce sont, avant tout, des lieux de solidarité, des lieux où l’on se connaît et où l’on partage la même vie. Ce qui explique le score souvent bas du Front national dans ces endroits. Ce sont aussi les lieux de créativité, d’inventivité, d’ingéniosité. Quand les associations ne bénéficient plus de fonds publics que sur appel à projet, il faut trouver les voies et moyens pour faire autant, voire mieux, avec moins. Ce lien social fonctionne, encore et c’est souvent la dernière chose qui marche vraiment, notamment parce que la solidarité joue. L’implication active des citoyens compense les carences de l’action publique quand les municipalités démissionnent, étranglées par la baisse des dotations d’Etat. Cette participation effective, quoi que non théorisée, explique souvent la fierté d’appartenance au quartier que l’on retrouve souvent.
L’enjeu est donc clairement posé de réinclure ces quartiers dans la ville. Les pistes qui suivent sont non exhaustives mais indispensables.
Pour les quartiers populaires périphériques, qui sont le cas majoritaire, il convient en premier lieu de les rouvrir sur la ville, au moyen de nouvelles circulations mixtes : circulations douces, transports en commun, voiries nouvelles… L’Agence nationale de rénovation urbaine, dont il faut obtenir un nouvel engagement tant budgétaire qu’en termes de qualité (c’est notre revendication d’un ANRU 2), peut soutenir des projets de cette nature.
Se pose au même niveau la question de la mixité. Mixité sociale, bien entendu et même si elle ne se décrète pas, suscitée par la réhabilitation lourde d’un bâti souvent prévu pour ne durer que 25 à 30 ans ou des constructions neuves notamment en vue de l’accession sociale à la propriété. Là encore, l’ANRU soutient ce genre de démarches.
Mais il faut surtout, pour rendre nos quartiers populaires attractifs pour des populations nouvelles, reconquérir la mixité de fonction. C’est à dire ajouter à la fonction de logement celle de services de proximité (incluant le petit commerce), notamment des services publics ; celle d’activité, comme la création d’un hôtel d’entreprises par la Communauté d’agglomération Les Lacs de l’Essonne à la Grande Borne ; celle d’espace de vie partagé, qui passe par la restauration des espaces publics. Ce dernier point relève d’un enjeu majeur puisqu’il contribue à rappeler à chaque citoyen que, tout locataire qu’il soit, par le biais de l’impôt direct et indirect, il est co-propriétaire de l’espace dans lequel il évolue. Cette prise de conscience participe pleinement de la démarche émancipatrice qui est la nôtre.
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Bonus vidéo : Beirut “La Banlieue”