Le Centre national du cinéma : une usine à gaz qui en­richit des nababs

Par Copeau @Contrepoints

L’« exception culturelle » française est spécialement visible dans le domaine du cinéma. Le CNC verse l’argent du contribuable à des riches qui n’en ont pas besoin.

Par Alain Mathieu, président de Contribuables Associés.

Notre pays a en effet créé un organisme administratif unique au monde, le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), qui contrôle et perçoit directement différents im­pôts : sur les achats de places de cinéma, sur les chaînes de télévision, les ventes de DVD, et même les fournisseurs d’accès à internet et les opérateurs de téléphone.

Ces impôts croissant rapidement, le CNC a du mal à leurs trouver des emplois, en dehors des 42 M€ de ses dépenses de fonctionnement. Sa trésorerie disponible est de 855 M€ en février 2012, selon le sénateur Marini qui a passé au crible le budget du CNC.

Un dirigeant de l’organisme para-public a d’ailleurs confié au journal La Tribune que « le CNC a trop d’argent ».

En dehors de la production de films, la générosité du CNC s’étend aux séries télévisées, aux jeux vi­déos, aux exploitants de salles de cinéma et même à des producteurs de cinéma étrangers, y compris pour des films en langues étrangères. Le cinéaste algérien Merzak Allouache, qui représentait son pays à Cannes avec le film « Le temps de la concorde », a reçu 110000 € du CNC.

Tous les motifs sont bons pour imaginer des subventions : le soutien à des techniques en plein développement qui n’ont nul besoin de subventions (numérisation des salles de cinéma ; films en 3D ; vidéo à la demande) comme le soutien à des techniques en déclin (production de DVD ; tirage de copies de films non numérisés).

46 commissions

Ces subventions sont décidées par 46 commissions, elles-mêmes subdivisées en d’innombrables « collè­ges ». Le saupoudrage est tel que, par exemple, pour l’aide à la réécriture de courts métrages, 15 projets ont été financés en 2011, pour un montant moyen de 2 000 € par projet. Le coût des réunions des col­lèges et commissions prenant ces décisions est sans doute supérieur aux subventions versées.

Pour compliquer encore plus l’opacité des subventions et leur contrôle, la répartition d’un grand nom­bre d’entre elles est déléguée à des associations locales, comme par exemple la « Maison de l’image Basse-Normandie ». Car les collectivités locales ajoutent leur écot aux subventions du CNC. Et les chaînes de télévision doivent, pour des montants considérables, financer les films qu’il agrée.

Subventionner les films qui n’ont pas bénéficié d’aides

Afin que personne n’échappe à son emprise, le CNC a créé un « prix de qualité du court métrage » dont le but est de « distinguer les films qui n’ont pas bénéficié d’aides » ! 40 films ont ainsi reçu ce prix, en moyenne de 10 000 € par film.

Les critères d’attribution sont souvent courtelinesques. Ainsi, le plafond du crédit d’impôt accordé pour la production de fictions audiovisuelles est-il de 1 150 € par minute produite, alors que ce plafond passe à 1200 € (50 € de plus !) pour la production d’animations audiovisuelles.

Le CNC fait le maximum pour transformer en obligés la quasi-totalité des professionnels français du cinéma et de l’audiovisuel. Aucun d’eux n’osera s’attaquer aux gabegies engendrées par un tel système. Il a fallu que le CNC crée une subvention qui finançait à 75% la numérisation des salles de cinéma pour que l’auto­rité de la concurrence française s’en émeuve.

Périodiquement, la Commission de Bruxelles manifeste aussi son opposition. Le Sénat français a demandé une enquête à la Cour des comptes. D’après l’Observatoire européen de l’audiovisuel, la France dépense en aides au secteur du cinéma et de l’audiovisuel deux fois plus que l’Allemagne, quatre fois plus que l’Italie, six fois plus que le Royaume-Uni.

Acteurs et producteurs de cinéma : des nécessiteux ?

Le CNC a réussi un véritable tour de force de communication : faire passer auprès de l’opinion publi­que les producteurs de cinéma et leurs acteurs, considérés dans tous les pays comme des nababs, pour des nécessiteux ne pouvant survivre sans l’argent du contribuable.

175 producteurs et leurs vedettes reçoivent chaque année du contribuable français, sans véritable contrôle, des centaines de millions d’euros de « soutien automatique » (calculé sur les entrées en salles des films précédents du producteur, subvention qui pourrait donc être distribuée par un ordinateur, sans l’intervention d’une administration) et de « soutien sélectif » (c’est-à-dire choisi par des copains).

500 000 euros minimum

Un producteur recevra ainsi du contri­buable 500 000 € au minimum d’honoraires de producteur-réalisateur-auteur par film, même si l’œuvre n’a aucun succès dans les salles de cinéma. D’après le CNC, les résultats justifieraient cette profusion de subventions : le cinéma français serait devenu le premier d’Europe, le seul à résister à la « déferlante » des studios d’Hollywood.

Rien n’est plus faux. Les films français ont représenté en 2011, année faste, 41% des entrées dans les salles françaises ; en Italie, dont le gouvernement s’est en grande partie dégagé du finance­ment du cinéma, la part des films italiens est de 37,5% ; au Royaume-Uni, les films anglais repré­sentent 36% des entrées ; au Japon, 54%.

Le CNC a oublié la grande règle de Molière, qui est de plaire. Il veut encourager la production du plus grand nombre possible de films, quelle que soit leur qualité. Pour cela il distingue arbitrairement les films d’« auteur », considérés comme supérieurs aux films « commerciaux ». En réalité, il facilite la production de films médiocres.

Thomas Langmann : le CNC, « un comité de copinage »

Les subventions n’ont jamais créé le succès commercial : en 2011 en Italie, neuf des 20 films les plus vus étaient italiens, en France quatre seulement. Le film « The Artist », qui a obtenu cinq oscars à Hollywood, n’a pas été agréé par la commission d’avances sur recettes du CNC, qui lui a préféré cinq films sans éclat. Ce qui a fait dénoncer à son pro­ducteur Thomas Langmann un « comité de copinage qui pense devoir de l’argent à des films qui, sans lui, n’ont aucune chance de se faire. »

Sur les 30 films français sélectionnés par des festivals étrangers en 2010, dix seulement avaient bénéficié de l’avance sur recettes du CNC, et sur les cinq ayant reçu un prix, un seul en était bénéfi­ciaire.

Le système français d’aides au cinéma est donc un échec. Il devrait être remis à plat. Sous de faux prétextes, il verse l’argent du contribuable à des riches qui n’en ont pas besoin. Il encourage la médiocrité et dégrade la qualité du cinéma français.

On pourrait sans inconvénient réduire de moi­tié le budget du CNC. Le seul problème serait la réaction de l’armée des obligés du CNC.

Alors que le gouvernement français recherche désespérément des économies, aura-t-il le courage d’affronter cette réaction ?

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Source : Dossiers du Contribuable n°8  « Les folies de la culture bobo », 4,50€. En vente chez votre marchand de journaux (www.trouverlapresse.com). Et sur la boutique de Contribuables Associés à cette adresse : www.contribuables.org. Pour s’abonner, rendez-vous sur www.lecri.fr/abonnez-vous-au-cri.