C’est ainsi que de nombreux produits plus flexibles ont vu le jour tels que le livret évolutif (chez Monabanq notamment) dont la rémunération progresse au fur et à mesure du temps, afin d’attribuer une prime à la fidélité de la clientèle.
La fidélisation passant également par la vente de plusieurs produits à un même client (en termes Bâle III), les banques françaises ont élaboré des produits d’une plus grande souplesse pour favoriser l’ouverture de livrets. Désormais les nouveaux produits de comptes sur livrets et livrets se multiplient. Afin d’attirer de nouveaux fonds dans leurs bilans, les banques françaises ont également mis en avant des produits d’appel très attrayants auprès de la clientèle de particuliers. De plus en plus de banques proposent ainsi des comptes courants rémunérés avec des prix très attractifs, des frais d’ouverture offerts et des cadeaux de bienvenue (sous diverses formes). De plus en plus menacées par les nouveaux entrants sur le marché bancaire, notamment via internet, les banques traditionnelles françaises sont donc contraintes de faire de véritables efforts financiers pour attirer de nouveaux clients. C’est ainsi que les parrainages rapportent 60€ chez HSBC, que la carte de crédit est à 1€ par mois chez Société Générale ou encore que Banque Populaire propose une carte de crédit gratuite. Ces politiques ont un double objectif : aller capter de nouveaux clients et développer la fidélisation de la clientèle existante. En développant des offres défiant toute concurrence sur les comptes courants, les établissements bancaires français savent très bien que cette clientèle est grandement susceptible de représenter des dépôts transactionnels voire relationnels.
La concurrence exacerbée des nouveaux entrants sur le marché bancaire
Même si cet axe stratégique des établissements français a pour objectif d’améliorer leurs ratios de liquidité Bâle III, cela répond également à une nouvelle concurrence acerbe : celle des banques en lignes. Ces dernières affichent des offres très intéressantes, avec des produits d’appel très rémunérateurs. C’est est le cas d’ING qui propose son Livret Epargne Orange avec un taux de rémunération de 4,50% sur les trois premiers mois (puis 1,60% brut ensuite) avec 60€ d’offerts à l’ouverture pour un versement minimum de 1000€. Bforbank offre également un produit équivalent avec un taux de 5% sur les quatre premiers mois (puis 2,20% brut ensuite). De même que le livret de Cortal Consors qui dispose d’une rémunération de 3,30% durant la première année (puis 1,75% brut ensuite).
Illustration n° 4 : Les offres de livrets des banques en ligne
Dans la plupart des cas, l’ouverture de ces livrets n’est pas conditionnée à la tenue d’un compte courant dans ces banques et l’argent déposé reste disponible à tout moment. Face à une telle souplesse offerte, ces produits attirent la clientèle retail, de plus en plus encline à se tourner vers ce type d’investissements sans risque, garanti et liquide dans des périodes d’incertitude globalisée. Mais avec des produits d’appels très intéressants, une présence géographique incomparable, une présence sur internet et une gamme de services de plus en plus personnalisé, les établissements bancaires traditionnels français ont riposté de manière efficace afin de développer leur base de clientèle et augmenter leurs dépôts récoltés.
L’importance des Livrets dans l’épargne française
Aujourd’hui, les livrets ont une place prépondérante parmi les produits d’épargne des Français. En 2011, la collecte nette des produits de livrets a atteint environ €29bn soit une progression de plus de 80% en un an1. Parmi ces livrets, le livret A détient une place dominante puisqu’il représente deux tiers des collectes des livrets en 2011. En mai 2012, l’encours du livret A, produit d’épargne préféré des français, a atteint €227bn, celui du Livret développement durable (LDD) était de €71,5bn2 alors que les encours livrets bancaires ordinaires ont également continué de progresser durant l’ensemble de l’année 2011. La hausse des rémunérations proposée par les livrets, l’assurance pour les épargnants de disposer des fonds de manière instantanée, la sécurité d’un capital garanti et défiscalisé sont autant de caractéristiques recherchées par des investisseurs de plus en plus frileux. C’est en ce sens que ces livrets représentent aux yeux des investisseurs français une manière d’épargner séduisante.
Un engouement pour les livrets réglementés qui ne fait pas l’affaire des établissements bancaires
Même si pour les épargnants les conditions offertes par le livret A et le LDD sont semblables à tout autre livret, cela est bien différent pour les établissements bancaires. En effet les établissements sont contraints de centraliser une partie des récoltes auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), ce qui les oblige à sortir ces dépôts de leurs bilans pour les faire porter à la CDC en échange d’une commission. En termes Bâle III, la partie centralisée de ces dépôts ne peut pas être comptabilisée pour le calcul des ratios de liquidité. Ce taux de centralisation s’élève à 65% (taux tous distributeurs confondus, évoluant linéairement et s’ajustant en fonction de la part de marché de chacun des établissements) ce qui monopolise près de €300bn à la CDC. Le manque à gagner en termes de liquidité est important pour les établissements bancaires français qui militent pour un abaissement du taux de centralisation aux alentours de 50%. Pour éviter la fuite de cette liquidité de leurs bilans, les banques proposent donc des livrets à des conditions équivalentes (en termes de rémunération, de disponibilité des fonds, etc.) mais dont la totalité de l’encours est consignée dans le bilan. Mais l’importante popularité du livret A auprès des épargnants français rend difficile la démocratisation de ces nouveaux livrets…et le prochain doublement du plafond du livret A promis par François Hollande ne devrait pas favoriser l’émergence de ces livrets plus favorables aux yeux des banques d’un point de vue Bâle III. En effet, le nouveau gouvernement a estimé que cette mesure devrait entraîner le transfert de €40bn à €60bn d’épargne sur les livrets A, soit un surcoût handicapant pour les banques. Aujourd’hui les dépôts des cinq plus grands bancassureurs français représentent c.€2200bn3 et l’abaissement de 15 points du taux de centralisation représenterait une hausse de leurs dépôts au passif de c.€40bn, soit une progression de 2% au global. L’impact peut paraître insignifiant mais l’enjeu est bien plus grand pour les établissements bancaires : aller capter l’épargne des livrets A et LDD pour les rapatrier sur des produits non centralisés par la CDC.
L’émergence des produits hybrides « Comptes courants – Livrets »
Pour favoriser le rapatriement de ces fonds, les banques ont mis en place des produits répondant au mieux aux attentes des épargnants français. Ainsi de nouvelles gammes de produits font progressivement leur apparition. Des produits hybrides appelés « Comptes courants – Livrets » permettent ainsi de transférer de manière automatique le surplus de fonds disponible des comptes courants sur des livrets afin d’en assurer une rémunération intéressante. Et inversement, en cas de décalage de trésorerie, le produit transfère les fonds du livret sur le compte courant pour éviter les découverts. Ce produit permet donc d’épargner dès que le solde du compte courant l’autorise en offrant une rémunération en ligne avec les livrets tout en assurant la disponibilité et la garantie des fonds versés. Cette nouvelle gamme de produit répond parfaitement à la fois à la nouvelle attente de la clientèle ainsi qu’aux critères d’exigence de liquidité des normes Bâle III et permet donc aux banques d’avoir l’opportunité de ramener ces fonds-là dans leurs bilans. Outre ces produits innovants qui voient peu à peu le jour, les livrets classiques non réglementés offerts par les banques restent des investissements sécurisés et rentables qui permettent aux établissements de garder les dépôts de manière permanente et complète dans leurs bilans.
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