Elle le sent bander encore plus dans sa bouche. Ça n'arrange pas les crampes dans ses joues, et plus particulièrement dans les maxillaires, là où l'articulation est sollicitée. (p.12)
L'extase d'une partie de la critique devant le dernier roman (à défaut d'une expression adéquate qui puisse rendre complètement justice au tas de merde que ce collage de pages est purement et simplement, mais sur un plan d'existence auquel nous n'osons croire complètement) de Christine Angot ne cesse d'agiter notre perplexité. Il ne s'agit pourtant plus d'un enthousiasme devant la radicalité supposée d'un nouveau venu sur la scène littéraire, qui, par son apparition soudaine pourrait expliquer l'attention attirée des journalistes en proie à la recherche perpétuelle de nouveaux phénomènes à labelliser, à encenser benoîtement pour en faire un poulain, un objet viable à mettre sur la cheminée des ambitions et des poses intellectuelles, pour ainsi défendre une cohérence qui au fil des années ne peut qu'entrer en décalage complet avec la qualité supposée d'une œuvre déplorablement pathétique. Le cas d'école étant bien sûr l'affaire Zeller, lui, bien plus jeune que Christine et qui doit commencer à sentir le vent tourner dans son principal Attribut. Il lui parle de ses deux gros pamplemousses, il lui dit qu'il les préfère aux petits citrons de sa femme, mais que d'un autre côté ça peut être émouvant aussi des tout petits seins, comme ceux de sa maîtresse qui est étudiante à Sciences po, par exemple. (p.11) Non. il s'agit d'un enthousiasme fondamentalement énigmatique d'une partie (plus ou moins grande selon les années, avec un noyau indéfectible, ce qui ne peut que laisser présager du pire pour l'esprit critique) de la sphère journalistique, qui, à occurrences régulières, c'est-à-dire plus ou moins tous les deux ans, ne peut faire autrement, apparemment que louer l'extraordinaire capacité de Christine Angot à se transcender, à manifester une nouveauté fondatrice (cette année, c'est le passage transcendantal du « je » au « il »), alors que nous avions cru que le récit débridé, il y a quelques années, de sa virée en scooter à Barbès avec Doc Gyneco demeurerait le pinacle de son « œuvre » et qu'il n'y aurait rien à ajouter. Ces mêmes journalistes vous diront aussi qu'ils ont pu émettre à un moment donné de leur Carrière un avis nuancé (voir négatif !!!) sur quelque roman précédent qu'ils n'auraient point trouvé à leur goût, mais c'est là un piège dans lequel il ne faut pas tomber. Il y a quelque chose de rétif à la Raison, quelque chose qui défie toute logique intellectuelle, qui ne laisserait pas de causer la perplexité d'un jury d'assises devant un dossier rempli de pièces à conviction, qui, loin de confirmer la culpabilité de l'accusé, ne ferait qu'inexorablement prouver le contraire, ou du moins provoquer un doute légitime. Car si l'on peut pourfendre la médiocrité, il reste que pour certains auteurs que nous sommes loin de porter dans notre petit cœur rabougri de lecteur exigeant, élitiste et pas sympa, les Levy, Musso, Gavalda, Grangé et autres prosateurs à la petite semaine qui pondent des pavés sans style, sans saveur autre que celle de la guimauve ou alors de l'excitation devant une violence supposée qui n'est que figurative, descriptive, jamais dans l'écriture (oui, je te regarde Jean-Christophe), nous pouvons, ou nous croyons comprendre les raisons de leur succès et ne pouvons que constater que nous n'y pouvons rien. Il s'arrête une seconde. Pour prendre du papier hygiénique dans le dérouleur, et éponger un peu d'eau qui restait sous ses seins et qu'elle avait peut-être mal essuyés. (p.19) Mais c'est tout de même un bon indice que Christine soit controversée, qu'elle soit clivante comme on dit chez nos amis communicants, non ? Cela ne veut-il pas dire que ceux qui l'encensent peuvent adopter une attitude de rébellion devant une rejet qu'ils perçoivent comme paradigmatique, alors que dans le cas qui nous occupe, la critique négative n'est bien souvent que l'expression, d'un réel étonnement, voire pour les plus courageux, d'un effarement, devant l'indigence extraordinaire de la prose de notre gueularde, de ses intrigues (et encore) insupportables, et des thématiques abordées, qui elles aussi paraissent nimbées du sceau de la radicalité parce qu'elles paraissent saisir à bras-le-corps des tabous, ce qui en soit est certainement la meilleur des choses, alors que le résultat est souvent d'une effarante nullité. En réalité, il semble que la clé de ce « succès » soit bien là, devant le caractère effarant de ce qui est imprimé, qui supprime toute sanité du jugement. Ce qui est perçu comme ressortant d'une formidable radicalité n'est que le jugement du journaliste sclérosé par une première impression jamais dépassée, jamais réfléchie, doublée d'une autovalorisation victimaire dans la promotion à outrance d'un auteur qu'il est bien évidemment plus facile de détester, d'abhorrer avec toutes les raisons du monde. Cette pose (car tout n'est que mode, rien n'est pensée, rien n'est profondeur, tous les arguments ne sont que de circonstance et ne tiennent pas) ne peut que rejaillir, en théorie, sur le dit critique, qui marque son goût et son jugement de manière encore plus sûre que s'il venait d'encenser quelque auteur étranger inconnu publié par une petite maison dont il n'avait jamais entendu parler et dont le dossier de presse s'était retrouvé, miraculeusement, sur son bureau, sur le haut d'une pile que l'on imagine non seulement sans fin, mais sans fond et sans aucune imagination. Ces gens là ont bien le droit d'aimer Angot, mais pas de nous faire croire qu'il s'agit d'un grand écrivain, que sa « trajectoire littéraire » s'inscrit de ses cris stridents dans l'histoire de la Littérature, qu'il s'agit même de littérature. Car il y a pire que les livres d'Angot, c'est le discours qui tend à nous faire croire que nous devons la porter au pinacle, en faire une idole, alors que ce discours n'est que l'illustration d'un travestissement, d'une mystification qui ne nous fait plus rire depuis longtemps, et dont chaque manifestation nous enfonce un peu plus dans la dépression.Magazine Culture
Comment encenser un roman qui débute par une scène où un homme, assis sur une lunette blanche de toilettes recouvre son sexe d'une tranche de jambon, et force sa fille qui passait par là à la dévorer à même son organe génital paternel ?