Dans le gloubli-goulba ambiant, il y a quand même des gens qui ont les idées claires et qui savent le dire simplement, contrairement à ceux qui noient le poisson, pratiquent la langue de bois, avancent masqués ou sont tout simplement perdus.
Jean Glavany par exemple, qui hier dans l’émission “Ça vous regarde” sur LCP disait à peu près ceci :
“les problèmes ce n’est pas Charlie-Hebdo qui les créent, voyons !”. D’autant que le numéro du journal en question était un numéro habituel qui réagissait à l’actualité des manifestations contre le film anti-islam.
Il y a aussi un éditorialiste marocain dont l’article est paru dans Courrier International. Il y rappelle quelques éléments essentiels :
- le journalisme satirique est un genre particulier qui a le droit d’exister
- le prophète Mahomet et l’islam ne sont pas ses seules sources de moquerie
- l’interdiction de représenter le prophète ou de moquer l’islam n’est une loi valable qu’en pays musulman [j’ajouterais qu'en France le blasphème est un droit non un délit]
- dans un pays libre, un article ou une caricature exprime le point de vue d’un individu, non celui d’un pays tout entier ou de son gouvernement.
Ce dernier point, qui a été peu évoqué me semble-t-il, est très important. Les chefs d’États occidentaux gagneraient à le rappeler, si ce n’est déjà fait. Mettre tous les français, américains, occidentaux, dans le même sac… c’est de l’amalgame ou je ne m’y connais pas !
Dans les pays musulmans, il fustige les chefs d’États qui renoncent aux appels à la raison mais aussi le “musulman moyen” qui ignore ces principes [valables en France notamment] et se prend pour le “centre du monde”. Hum… Pour faire cela, ce type doit être un peu “islamophobe” sur les bords…
Je vous laisse juges :
“le Maroc, évidemment, n’est pas épargné. Un ami m’a rapporté ceci : “Ma fille de 10 ans est venue me voir pour me demander : ‘Papa, pourquoi Hollande s’attaque-t-il à notre prophète ?’ C’est ce qu’on lui a dit à l’école…”
Le grand public, c’est-à-dire Monsieur Tout-le-Monde, le musulman moyen, ne connaît pas Charlie Hebdo. Il ne sait pas que le journalisme satirique est un genre à part, tout à fait respectable. Il ne sait pas, non plus, que “notre prophète” et “notre religion”, pour reprendre une terminologie courante, ne sont pas les seules sources de rire et de moquerie de plus ou moins bon goût. Il ignore que l’interdiction de représenter le Prophète ou de railler l’islam est une loi valable seulement en terre d’islam, pas dans le reste du monde (et les terres de l’islam ne représentent qu’une petite partie du globe, n’est-ce pas !). Il ignore surtout, et c’est sans doute le plus dramatique, que, dans un pays libre, un article et une caricature expriment le point de vue et la sensibilité d’un individu et pas d’un pays.
Ce n’est pas le gouvernement américain et ses représentations diplomatiques dans le monde qui ont réalisé Innocence of Muslims. Ce ne sont pas non plus François Hollande et ses ministres, ou ses ambassades et ses écoles dans le monde, qui ont caricaturé le Prophète. Mais allez expliquer cela au musulman moyen, dont les nerfs sont décidément à vif, un être dont la sensibilité et la susceptibilité dépassent largement la moyenne mondiale. Un être, donc, qui n’a aucun sens de l’humour, aucune notion d’autodérision ou de distance critique, un “enfant” toujours sur le point de craquer, de déraper, qui se croit très spécial et se prend pour le centre du monde, prêt à s’enflammer dès l’instant où l’on titille ses points ultrasensibles, ou l’on raille sa singularité.
Je reviens d’un voyage en Espagne où il m’a été donné de rencontrer certains responsables politiques du parti au pouvoir, le Parti populaire (conservateur). L’un d’eux m’a dit ceci : “Chaque fois que la presse espagnole publie un article déplaisant (pour le Maroc), c’est le gouvernement qui paie, comme s’il en était responsable.”
[...] le musulman moyen se sent aujourd’hui attaqué par deux des plus grandes nations du monde : les États-Unis et la France. Juste ciel ! Cela légitime, à ses yeux, toute action entreprise contre les représentations liées à ces deux pays. Ce n’est pas le silence des autorités politiques et religieuses dans le monde musulman qui risque de le persuader du contraire. Chefs d’Etat, leaders politiques et religieux, tout ce petit monde se tait, de peur que le moindre appel à la raison ne soit interprété (par ce fameux musulman moyen) comme un ralliement aux forces du mal. Nous en sommes là.” (Courrier International, 24-09-2012)
Comme la situation en Belgique est similaire à celle de la France, on peut lire le billet de Nadia Geerts, “Qui incite à la haine ?”, qui met aussi le doigt sur le traitement collectif des occidentaux par les islamistes et la position victimaire des instances musulmanes de son pays. En voici un extrait :
“On dénonce à juste titre la propension à l’amalgame qui incite certains à mettre tous les musulmans dans le même panier. Ne serait-il pas temps de dénoncer avec autant de vigueur la propension de certains excités du culte islamique à mettre dans le même sac tous les Occidentaux, malheureusement avec bien plus de succès ? Envoyer à la mort une poignée de touristes à Kaboul sous prétexte que quelque part aux États-Unis, un gars a commis un film sur les musulmans, n’est-ce pas du racisme ?
[...] je soutiens Charlie Hebdo. Parce que, comme d’autre dessinateurs et bien plus que la presse écrite en général, ils ruent dans les brancards. Certes, ils le font sans délicatesse, sans respect, peut-être même parfois sans grande intelligence. Mais ils réaffirment que non, l’intimidation, la menace, le terrorisme ne passeront pas. Que oui, plus l’islam servira de prétexte à des fous furieux, plus il sera caricaturé. Parce que cesser de le faire, ce serait accepter leurs diktats. Parce que le rire, c’est aussi un moyen de défense. O combien plus intelligent, ô combien plus salutaire qu’une ceinture d’explosifs.
En attendant, que des jeunes nés ici, mais issus d’une famille ayant immigré en Belgique il y a longtemps – pardonnez cette périphrase, mais on ne peut plus dire « allochtones » – tombent dans la même violence que ceux d’Iran, du Pakistan ou du Yémen, ça me pose une autre question : celle de la faillite de notre système éducatif. Et je continue à penser benoitement que des cours de philosophie, de citoyenneté et, pourquoi pas, de « morale laïque », seraient bien plus utiles que des cours de religion.”
Heureusement tout espoir n’est pas perdu : en Libye, à Benghazi, des manifestants ont chassé une milice islamiste de leur QG. Bref, ils ne s’écrasent pas, eux…
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