C’est une petite révolution, peut-ętre un pas vers la Ťnormalisationť, voire l’embourgeoisement : tournant résolument le dos ŕ l’une des rčgles d’or des compagnies low cost pures et dures, EasyJet va attribuer des sičges ŕ ses passagers au moment de leur enregistrement. Cela, expliquent les dirigeants de la Ťcompagnie orangeť, pour assurer des conditions d’embarquement plus agréables, plus détendues, et pour donner un petit avantage aux voyageurs arrivés ŕ l’aéroport bien dans les temps. Il ne sera donc plus nécessaire de jouer des coudes pour éviter le tant redouté sičge du milieu.
On est, on naît low cost, et on ne rentre donc pas facilement dans le rang. Ou on l’évite soigneusement : tous les passagers se verront donc attribuer un sičge mais il sera aussi possible de le choisir, moyennant un petit supplément de 3 livres. Ou de 8 livres pour les rangées 2 ŕ 5 des A319 et 2 ŕ 6 sur A320. Et comme le confort n’a pas de prix, il en coűtera 12 livres, ce qui n’est pas rien, pour prendre place et étendre voluptueusement les jambes dans un sičge de la premičre rangée ou ŕ hauteur d’une sortie de secours. En d’autres termes, la panoplie des Ťrecettes annexesť va considérablement s’enrichir.
EasyJet, on s’en doute, a procédé ŕ une étude de marché trčs attentive avant de prendre cette décision qui exige de faire appel ŕ un minimum de logistique, encore que l’effort requis soit en grande partie informatique. La clientčle a été interrogée, 70% des passagers ont approuvé l’innovation et 600.000 d’entre eux l’ont testée sur 6.000 vols. Mieux, leurs aspirations ont été examinées dans le détail, menant ŕ des conclusions qui, l’humour en plus, rappellent involontairement une campagne de publicité d’Air France qui donnait une image étonnamment idéalisée du voyage aérien. On retiendra donc que les clients d’EasyJet, si le choix leur en est donné, préfčrent occuper la place 6A sur les vols courts, la 1A sur les vols plus longs. Et ils accordent leurs faveurs ŕ la partie gauche de l’avion, sans que l’on sache pourquoi.
On fera évidemment le rapprochement avec le profil évolutif de la clientčle d’EasyJet, aujourd’hui composée pour 25% de personnes se déplaçant pour des raisons professionnelles. D’oů l’attrait toujours solide que suscitent les bas tarifs mais aussi le souhait d’obtenir un peu plus de confort, męme s’il n’est pas gratuit. La compagnie se prépare ainsi ŕ optimiser davantage ses recettes et ŕ préserver sa rentabilité en forte croissance, aprčs un passage ŕ vide, un bénéfice situé entre 280 et 300 millions de livres étant attendu pour l’année en cours.
EasyJet approche des 60 millions de passagers annuels, son coefficient moyen d’occupation atteint 88,8 % et la recette par passager a augmenté, l’année derničre, de 4,7%. L’attribution des sičges va certainement lui donner un coup de pouce supplémentaire.
Carolyn McCall est désormais ŕ l’aise de la fonction de directeur général et, de toute évidence, elle est bien entourée. Qui plus est, Stelios Haji-Ioannou, fondateur de la compagnie, qui s’en est éloigné mais détient néanmoins 37,5% du capital, n’est pas parvenu ŕ faire démissionner Michael Rake, président du conseil d’administration. Leur désaccord est profond mais la cohésion au sein de l’entreprise plus forte de ce choc des ego.
EasyJet entend bien poursuivre sa route, un peu plus tranquillement que dans le passé, avec une flotte de 213 avions qui va ŕ peine grandir dans les 2 prochaines années. Son réseau appelle un approfondissement, et certainement pas une quelconque fuite en avant, la France y jouant un rôle important. EasyJet y détient 13% du marché, comme c’est le cas en Allemagne, en Suisse et en Italie, ce qui suppose l’existence de solides réserves de clientčle. Et, en France, précisément, EasyJet a enregistré l’année derničre un taux de croissance impressionnant de 29,1%. Cela sans qu’il soit question des méfaits, réels ou supposés, de la basse conjoncture.
Pierre Sparaco - AeroMorning