Tame Impala, Lonerism

Publié le 25 septembre 2012 par Bertrand Gillet

Les sixties Parker, le futur au bout des doigts.

Cerveau de Tame Impala et copiste malin, Kevin Parker produit depuis deux ans une musique d’une écoute très agréable, à la fois foisonnante et accessible. Avec cette deuxième contribution notable, le groupe franchit un cap. Il opère un savant mix entre Cream, les Beatles et les synthés de Yes. Ainsi s’ébroue Lonerism. Chatoyant, chantourné, chamarré. Comme si les musiciens avaient habillé leur musique de kaftan, boa, gilet magnifiquement brodé, foulard et soierie duveteuse. Sans nous ramener de façon un peu trop outrancière dans le Carnaby Street des sixties, Tame Impala tente d’ouvrir une faille temporelle. En confrontant cet âge d’or indépassable à notre époque contemporaine dont l’électronique s’est imposée comme le nouveau langage musical. Électronique que l’on retrouve tout au long de Lonerism, du premier jusqu’au dernier morceau, sous la forme de petites touches étalées ça et là. En somme, un brin de post-modernisme pour équilibrer ce retour vers le passé totalement assumé. Mais ce n’est pas là ce qui retient l’attention du rock critic, si ce n’est de l’auditeur final, moins prompt à verser dans l’analyse systématique. Non. Le plus surprenant chez Tame Impala tient dans la courbe de progression du groupe ici visiblement stable. Je ne prétends pas que l’effort soit nul, que la livraison soit en deçà de ce que nous pouvions en attendre. La réalité est bien plus complexe. Lonerism possède des qualités que Innerspeaker n’avait pas et inversement. Lonerism a pour lui un son plus étoffé, une dimension encore plus spatiale, une diversité de climats, d’ambiances et d’harmonies que l’on retrouve parfois dans un seul morceau comme sur le fantastique et fort bien nommé Apocalypse Dreams. Parfois, l’album donne l’impression de se disperser. Là où Innerspeaker, plus cohérent et peut-être moins inventif, semblait plus direct, baigné dans une simplicité mélodique bienvenue. Dans le premier album, la guitare était reine, les influences puissamment claptonniennes. Dans Lonerism, les claviers multiples rapprochent Tame Impala de groupes frères tels que MGMT, Django Django parfois (Be Above It, Endors-Toi). Au fond, l’album parfait serait tout simplement l’adition bête et mathématique de Innerspeaker et de Lonerism : Innerism, donc. Kevin Parker a-t-il été dépassé par l’énorme attente qu’il avait suscitée et par l’ambition qu’il voulait apporter en réponse ? C’est possible. Même probable. Mais que l’on ne s’y trompe pas. Il y a de belles choses dans cet opus muri comme un fruit gorgé d’une acidité propice à embuer l’esprit, à dilater ces après-midi paresseuses passées sous les trouées d’arbre alors que soleil, cuisant, vous couvre de ses baisers mordorés. On y trouve de jolis refrains (Feels Like We Only Go Backwards, Why Won't They Talk To Me?), des effets certes éculés mais plaisant à entendre à nouveau parce que légèrement antiques (le phasing sur Mind Mischief et Nothing That Has Happened So Far Has Been Anything We Could Control), des claviers scintillants et des pianos sautillants. Et puis cette voix. On jurerait entendre John Lennon. Certains s’en agacent déjà, d’autres sourient en songeant aux joies indicibles de pop songs du calibre de Strawberry Fields Forever, I’m The Walrus ou Lucy In The Sky With Diamonds. Pour parler vrai, Lonerism reproduit sans le vouloir (sans même le savoir) le coup fameux (fumeux ?) de Their Satanic Majesties Request des Stones : une sorte de fourre-tout parsemé de mélodies brillantes et de scories usantes. Peut-on lui en tenir grief ? Même si l’expérience semble éreintante, on ne peut s’offusquer devant tant de générosité. Et si Kevin Parker avait voulu aller trop vite ? Qu’importe. Il a délivré en deux albums ce que beaucoup de groupes cherchent encore : une cuillerée de classicisme dans un dé à coudre de modernisme. Déjà pas si mal.

http://www.deezer.com/fr/music/tame-impala/apocalypse-dreams-4415411

http://www.deezer.com/fr/music/tame-impala/elephant-5358181



25-09-2012 | Envoyer | Déposer un commentaire | Lu 234 fois | Public Ajoutez votre commentaire