Heureux hasard du calendrier, sitôt le festival Nomades ferme-t-il ses portes à Bacalan que le Cirque Romanès vient poser son chapiteau sur la Rive droite. Encore une belle manière de s’ouvrir à cette culture tzigane si belle et si méconnue.
Alexandre Romanès, le “patriarche”, cherche quelque chose dans une pile de cartons. Sa caravane est sens dessus-dessous : «les femmes ne sont pas encore arrivées et ça se voit», lâche-t-il avec un sourire. C’est qu’il a d’autres choses à penser que de jouer les fées du logis. Un peu plus loin, les hommes – un fils, un neveu, un gendre, en tout une dizaine de membres de sa famille... – s’activent au montage de leur chapiteau tout neuf quai Deschamps. Objectif : être fin prêts vendredi pour la première de leur nouveau spectacle, «La Reine des Gitans et des Chats».
Il est loin le temps où cet héritier de la grande famille Bouglione, lassé du cirque clinquant, a décidé de prendre sa propre route pour exprimer toutes ses passions, entre concerts baroques (il joue du luth), artisanat, poésie et petits numéros dans les rues. «Du côté de mon père, il y a 200 ans, c’est comme ça, comme montreurs d’ours dans la rue, que tout a commencé.»
«Le cirque le plus poétique»
Retrouvant ainsi ses racines, l’âme de la culture gitane, l’homme a fini par remonter un cirque, «un vrai, le seul cirque tzigane en Europe», et un spectacle où, autour de la piste, toute la famille est réunie et mise à contribution – soit une trentaine d’artistes pour autant de numéros : pas d’animaux ni «costumes vulgaires» mais de la contorsion, du jonglage, des trapézistes et des funambules, ainsi qu’un «clown exceptionnel que tout le monde veut me prendre !» Deux heures menées à un «rythme de fou» au son d’une musique tzigane en live ininterrompu, pour une véritable immersion dans l’authenticité d’une culture.
Une culture dont les Romanès aimeraient redorer le blason injustement écorné par les sempiternelles polémiques sur les Roms – un mot “artificiel” qu’Alexandre n’aime guère. «Les démantèlements de camps, c’est ridicule, assène-t-il. À chaque fois, tous les débuts d’intégration, de liens qui se nouent, de scolarisation, tout est à refaire. Je ne jette pas la pierre au voisinage, mais on a peur surtout de ce qu’on ne connaît pas, et je regrette que des gens comme le Front national jouent de ces peurs pour récupérer des voix...» Alors, inlassablement, Alexandre Romanès reprend son bâton de pèlerin pour aller au devant des gens, dans les écoles ou via des conférences (il sera chez Mollat le 10 octobre à 18h) : «Il n’y a rien de tel que d’expliquer notre esthétique, notre histoire, celle des 12 tribus, notre façon d’envisager le monde, notre société matriarcale... Les gens sont souvent surpris... en bien.»
Mais leur plus belle vitrine reste le cirque : «Ce n’était pas intentionnel, mais les gens nous disent souvent qu’ils ont senti que le spectacle leur racontait une histoire, constate Alexandre Romanès. Il est vrai que c’est comme un voyage où le spectateur est complètement dépaysé. On bénéficie d’un bouche-à-oreille exceptionnel et, partout où l’on passe, j’entends dire que nous sommes le cirque le plus poétique. Et ça, c’est un beau compliment.» •
Sébastien Le Jeune
Première vendredi 27 à 20h30, puis les samedis à 16h et 20h30 et les dimanches à 16h (sauf ce week-end, 15h et 17h) jusqu’au 6 janvier. Supplémentaires pendant les vacances de Toussaint et de Noël. Tarifs : gratuit -3 ans, 10€ 3-12 ans, 15€ - 25 ans, 20€ adulte.
Réservations : 06 99 19 49 59, 06 07 08 79 36, Fnac ou réseaux habituels. www.cirqueromanes.com
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