Batman Begins.
(réalisé par Christopher Nolan)
L'envol de la chauve-souris.
Regarder Batman Beginsaujourd'hui est assez intéressant. D'un point de vue totalement intrinsèque, le film reste un divertissement très regardable bien que limité par son caractère restrictif de simple exposition. De manière plus générale, il permet de se rendre compte des progrès de Nolan et d'annoncer ce que seront les films de super-héros par la suite.
Comment un homme seul peut-il changer le monde ? Telle est la question qui hante Bruce Wayne depuis cette nuit tragique où ses parents furent abattus sous ses yeux, dans une ruelle de Gotham City. Torturé par un profond sentiment de colère et de culpabilité, le jeune héritier de cette richissime famille fuit Gotham pour un long voyage à travers le monde. Le but de ses pérégrinations: sublimer sa soif de vengeance en trouvant de nouveaux moyens de lutter contre l'injustice.
Difficile exercice auquel s'est livré la Warner avec Batman Begins. Il s'agissait pour eux de relancer une franchise que tout le monde souhaitait oublier après les errances de Joel Schumacher et surtout son navrant Batman et Robin. Fini les univers colorés et cartoonesques représentant le monde décalé des comics propre aux délires de Tim Burton (vision tout aussi valable). La volonté principale était d'inscrire le mythe de la chauve-souris dans une réalité glacée et oppressante à même de cristalliser les peurs d'une Amérique contemporaine toujours choquée par les évènements du 11/09.
Pour mettre en image un tel programme, ils ont décidé de raconter les origines de Batman avec un réalisme plaisant mais pouvant choquer (quoique maintenant devenu la marque de fabrique de l'essentiel des films de super-héros) tant il refuse tout spectaculaire, lui préférant une ambiance intimiste réussie mais penchant un peu trop souvent pour un ton sentencieux qui prête à sourire. Ce réalisme se traduit par l'arsenal de Batman, à caractère militaire plutôt que futuriste (la Batmobile), par les ennemis retenus pour affronter le héros (le méconnu et terre à terre Ra's al Ghul) et par l'inscription de Gotham City dans le réel.
Ville futuriste évoluant en monde clos dans les films précédents, elle s'inscrit avec cet opus dans le monde actuel et complexe. Ainsi, la thématique centrale (en parallèle de la construction identitaire d'un Bruce Wayne torturé par son combat contre l'injustice) est la recherche d'un moyen efficace de lutter contre le Mal. Mal qui prend là l'apparence du crime organisé ou du terrorisme. Du coup, on flirte souvent avec une dérive sécuritaire (Batman impose l'Ordre) voire totalitaire (le plan de la ligue des ombres). Il manque certainement une distanciation aux conceptions de la Loi proposées par le film ; bien que le pessimisme qui les caractérise tend à la relativisation.
Bref, le pari de Warner est réussi. Plus noir, plus adulte, l'univers de la chauve-souris renaît tel le phénix dans une ambiance apocalyptique qui rappelle le Chicago des années 30 des grandes fresques mafieuses.
Pourtant, il manque quelque chose à ce film pour atteindre le statut d'incontournable. Il est évident que Christopher Nolan n'a pas eu les libertés dont il a pu bénéficier par la suite. Le film se cantonne à l'exercice d'exposition afin de préserver toute chance de relancer la franchise. Du coup, le résultat est trop gentil, trop sage. A postériori, il est presque choquant de voir l'évolution de la mise en scène de Nolan. Les combats sont filmés de manière brouillonne et presque illisible. Loin des prises de bec avec le Joker de l'opus suivant.
En conclusion, cet épisode, s'il n'est pas inoubliable, à le mérite de relancer une franchise moribonde et de livrer le modèle sur lequel s'appuieront les films de super-héros suivants (notamment les Marvel ; avec évidemment beaucoup moins de réussite).
Note: